mercredi 26 août 2020

« LES CANNIBALES », L’ÉDITORIAL DE STÉPHANE SAHUC DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR




« Renaissance ». C’est ainsi que le Medef a décidé de baptiser sa trentième université d’été. Car il faut « un message heureux, un message d’optimisme », explique Geoffroy Roux de Bézieux. Comblé, le président de l’organisation patronale a félicité ses homologues pour leur réactivité face à la crise. La question qu’il s’est bien gardé d’aborder, c’est le coût de cette « réactivité ». Social d’abord, avec les annonces de licenciements ou d’« accords de performance » dans des pans entiers de la production. Mais aussi pour la société, avec les milliards d’euros débloqués par l’État afin de soutenir de nombreux secteurs. De cela pas un mot, si ce n’est pour féliciter le gouvernement de donner sans rien demander en retour. Car avec le Medef, c’est toujours la même ritournelle : à la collectivité de payer en cas de difficultés et aux patrons, pardon, « aux entrepreneurs » et aux conseils d’administration de décider ce « qui est bon » pour l’entreprise. Tout cela, bien sûr, « au nom de la reprise économique et de la sauvegarde de l’emploi ».

En vérité, l’idéologie du Medef n’est bonne ni pour la reprise économique, ni pour l’emploi, visant uniquement à garantir la rentabilité financière des grandes entreprises et des multinationales. Et pour cela tout est permis, même le cannibalisme. Bien sûr, tous les patrons veulent la baisse de la rémunération du travail à coups d’allègements de cotisations sociales (les fameuses « charges »), d’allongement de la durée du temps de travail ou carrément de baisses du salaire. Mais pour faire ses marges, le patronat n’hésite pas à dévorer les siens.

Les premières victimes de ce cannibalisme : les PME, pourtant chevilles ouvrières de la reprise économique et de la création d’emploi. Sous-traitants à qui l’on ordonne de baisser de 30 % leurs prix, petites entreprises qui ne verront pas la couleur des aides publiques siphonnées par les gros, donneurs d’ordres qui font traîner le paiement de leurs fournisseurs… Ce sont ces cannibales qui se retrouvent à l’hippodrome de Longchamp. Et c’est à eux que le premier ministre a dit amen. Sans doute avait-il peur de se faire manger.

Par Stéphane Sahuc


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