jeudi 30 juillet 2020

ON CONNAÎT LA CHANSON, PAS LES PAROLES (13/14). LE TOUR DE L’ÎLE DE FÉLIX LECLERC, L’EMBLÈME DE L’INDÉPENDANCE



Le poète, auteur-compositeur-interprète Félix Leclerc, père de la grande chanson québécoise, y chante l’amour pour sa terre, la protection, déjà, de l’environnement naturel et humain. Et l’indépendance…

« Pour supporter le difficile et l’inutile/Y à le tour de l’île/Quarante-deux milles de choses tranquilles/Pour oublier grande blessure dessous l’armure… » Tout s’arrêtait alors. Le bruit des fourchettes, celui des verres vidés, délicatement posés sur la table. Et là, sans un mot, sans un bruit, nous nous abandonnions pendant sept minutes à l’écoute du Tour le l’île, de Félix Leclerc.

C’était au siècle dernier, dans les années 1990, à Toulouse, chez le regretté Louis Destrem, journaliste à   l’Humanité puis à la Dépêche du Midi. Nous avions pour coutume, chez ce passionné et grand connaisseur de la chanson francophone, de nous retrouver à l’issue des manifestations du 1 er Mai pour des agapes qui n’avaient plus de revendicative que la qualité des produits consommés. Il y avait Louis, son épouse Angeline, Jean-Claude Soulery, futur rédacteur du quotidien régional et moi-même.
Un chant sublime consacré à l’île d’Orléans
Sur les sollicitations de notre hôte, nous étions conviés à élire chaque année « la plus belle chanson du monde ». Allez savoir pourquoi, nous tous qui semblions des inconditionnels de la Mémoire et la mer, de Léo Ferré, du Toulouse, de Claude Nougaro, et bien d’autres trésors, nous accordions à l’unanimité, invariablement chaque année, nos suffrages à Félix Leclerc et son chant sublime consacré à l’île d’Orléans, proche voisine de la ville de Québec. Nous n’osions pas contredire l’ami Louis.
« L’Île c’est comme Chartres/C’est haut et propre/Avec des nefs/Avec des arcs, des corridors, et des falaises/En février la neige est rose comme chair de femme… »
Un très grand de la chanson québécoise
Qu’aimions-nous par-dessus tout ? Sans aucun doute et tout à la fois : la poésie du texte consacré à ce berceau des Québécois posé sur le fleuve Saint-Laurent, l’orchestration de François Dompierre magnifiant le chant, la voix grave et généreuse de son compositeur-interprète. Celui qui fut à partir des années 1960 l’aîné d’une génération exceptionnelle de grands de la chanson québécoise mêle inséparablement dans son Tour de l’île l’amour de sa terre, de la nature, la lutte pour l’indépendance du Québec et la défense de la langue française.
La poésie des mots, son arme pacifique
Connue du public en 1975 lors de la sortie du disque portant le titre de la chanson, Félix Leclerc l’aurait écrite pour dénoncer l’installation par la compagnie Hydro-Québec de très hauts pylônes franchissant le fleuve vers l’île d’Orléans. Comme arme pacifique pour riposter et défendre la qualité de l’environnement, le poète choisit de décrire la beauté des paysages, la tendresse des hommes qui y vivent et fait l’éloge du temps long qui passe.
« Maisons de bois, maisons de pierre, clochers pointus/Et dans les fonds des pâturages de silence/Des enfants blonds nourris d’azur comme les anges jouent à la guerre imaginaire… »
Une manière poétique pour ce troubadour de l’indépendance d’alerter son public sur les menaces qui guettent son pays. « Imaginons l’île d’Orléans/un dépotoir, un cimetière/Parcs à vidanges, boîte à déchets, U.S. parkings/On veut la mettre en minijupe, and speak English… »

Alors qu’il poursuit une riche carrière internationale, le poète-auteur-compositeur-interprète mais aussi romancier se pose sur l’île d’Orléans en 1970. Avec l’aide d’amis, il y construit sa maison et y repose (à Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans) depuis le 8 août 1988. Bien sûr, d’autres grands de la chanson francophone se réfèrent à l’île emblématique : Sylvain Lelièvre dans sa chanson le Fleuve, Monique Leynac avec la Fille de l’île, Tire le Coyotte grâce à Calfeutrer les failles. Et, bien sûr, Jean-Pierre Ferland avec l’hommage Chanson à Félix. Retour à Toulouse, où, bien sûr, le beau chant de Robert Lévesque (« Quand les hommes vivront d’amour/Il n’y aura plus de misère/Et commenceront les beaux jours… »), sur lequel nous tentions d’accompagner Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois, nous transportait… Mais c’est dans ce Tour de l’île, toujours, que nous nous retrouvions.
Alain Raynal

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