Le poète, auteur-compositeur-interprète
Félix Leclerc, père de la grande chanson québécoise, y chante l’amour pour sa
terre, la protection, déjà, de l’environnement naturel et humain. Et
l’indépendance…
« Pour supporter le difficile et l’inutile/Y à le tour de
l’île/Quarante-deux milles de choses tranquilles/Pour oublier grande blessure
dessous l’armure… » Tout s’arrêtait alors. Le bruit des fourchettes,
celui des verres vidés, délicatement posés sur la table. Et là, sans un mot,
sans un bruit, nous nous abandonnions pendant sept minutes à l’écoute du Tour
le l’île, de Félix Leclerc.
C’était au siècle dernier, dans les années 1990, à Toulouse, chez le
regretté Louis Destrem, journaliste à l’Humanité puis
à la Dépêche du Midi. Nous avions pour coutume, chez ce
passionné et grand connaisseur de la chanson francophone, de nous retrouver à
l’issue des manifestations du 1 er Mai pour des agapes qui n’avaient
plus de revendicative que la qualité des produits consommés. Il y avait Louis,
son épouse Angeline, Jean-Claude Soulery, futur rédacteur du quotidien régional
et moi-même.
Un chant sublime consacré à l’île
d’Orléans
Sur les sollicitations de notre hôte, nous étions conviés à élire chaque année
« la plus belle chanson du monde ». Allez savoir pourquoi, nous tous qui
semblions des inconditionnels de la Mémoire et la mer, de Léo
Ferré, du Toulouse, de Claude Nougaro, et bien d’autres
trésors, nous accordions à l’unanimité, invariablement chaque année, nos
suffrages à Félix Leclerc et son chant sublime consacré à l’île d’Orléans,
proche voisine de la ville de Québec. Nous n’osions pas contredire l’ami Louis.
« L’Île c’est comme Chartres/C’est haut et propre/Avec des nefs/Avec des
arcs, des corridors, et des falaises/En février la neige est rose comme chair
de femme… »
Un très grand de la chanson québécoise
Qu’aimions-nous par-dessus tout ? Sans aucun doute et tout à la fois : la
poésie du texte consacré à ce berceau des Québécois posé sur le fleuve
Saint-Laurent, l’orchestration de François Dompierre magnifiant le chant, la
voix grave et généreuse de son compositeur-interprète. Celui qui fut à partir des
années 1960 l’aîné d’une génération exceptionnelle de grands de la chanson
québécoise mêle inséparablement dans son Tour de l’île l’amour
de sa terre, de la nature, la lutte pour l’indépendance du Québec et la défense
de la langue française.
La poésie des mots, son arme pacifique
Connue du public en 1975 lors de la sortie du disque portant le titre de la
chanson, Félix Leclerc l’aurait écrite pour dénoncer l’installation par la
compagnie Hydro-Québec de très hauts pylônes franchissant le fleuve vers l’île
d’Orléans. Comme arme pacifique pour riposter et défendre la qualité de
l’environnement, le poète choisit de décrire la beauté des paysages, la
tendresse des hommes qui y vivent et fait l’éloge du temps long qui passe.
« Maisons de bois, maisons de pierre, clochers pointus/Et dans les fonds
des pâturages de silence/Des enfants blonds nourris d’azur comme les anges
jouent à la guerre imaginaire… »
Une manière poétique pour ce troubadour de l’indépendance d’alerter son
public sur les menaces qui guettent son pays. « Imaginons l’île
d’Orléans/un dépotoir, un cimetière/Parcs à vidanges, boîte à déchets, U.S.
parkings/On veut la mettre en minijupe, and speak English… »
Alors qu’il poursuit une
riche carrière internationale, le poète-auteur-compositeur-interprète mais
aussi romancier se pose sur l’île d’Orléans en 1970. Avec l’aide d’amis, il y
construit sa maison et y repose (à Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans) depuis le
8 août 1988. Bien sûr, d’autres grands de la chanson francophone se
réfèrent à l’île emblématique : Sylvain Lelièvre dans sa chanson le
Fleuve, Monique Leynac avec la Fille de l’île, Tire
le Coyotte grâce à Calfeutrer les failles. Et, bien sûr,
Jean-Pierre Ferland avec l’hommage Chanson à Félix. Retour à
Toulouse, où, bien sûr, le beau chant de Robert Lévesque (« Quand
les hommes vivront d’amour/Il n’y aura plus de misère/Et commenceront les beaux
jours… »), sur lequel nous tentions d’accompagner Félix Leclerc,
Gilles Vigneault et Robert Charlebois, nous transportait… Mais c’est dans
ce Tour de l’île, toujours, que nous nous retrouvions.
Alain
Raynal
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