jeudi 30 juillet 2020

COVID-19. UN MANQUE DE RECONNAISSANCE POUR LES PREMIERS DE CORVÉE




Malgré les déclarations gouvernementales, les soignants qui ont contracté le coronavirus ne bénéficieront pas tous du statut de la maladie professionnelle. Pour les salariés des autres secteurs, la procédure sera encore plus compliquée.

Olivier Véran l’avait promis fin avril, la reconnaissance du Covid-19 en maladie professionnelle serait « automatique » pour le personnel soignant. Trois mois plus tard, le décret précisant les conditions d’accès à ce statut n’est toujours pas paru, mais le projet actuellement sur la table s’avère bien en deçà des promesses formulées par le ministre de la Santé en plein pic pandémique. Révélé par la Revue fiduciaire début juillet, cet ajout au tableau des maladies professionnelles ne concernerait que les « affections respiratoires aiguës » « ayant nécessité une oxygénothérapie » ou « ayant entraîné le décès ». Autrement dit : seuls les cas les plus graves. La CGT santé action sociale a immédiatement fait part de sa « colère » face à ce recul du gouvernement. « Cela exclut de fait de nombreux travailleurs (dont des soignants) qui, sans avoir été à ce point touchés, subiraient des séquelles à plus ou moins long terme, liés à cette pathologie », a pointé de son côté Force ouvrière, estimant « qu’à tout le moins le tableau devra tenir compte du progrès des connaissances scientifiques sur cette pathologie »« Ce projet de décret omet notamment toutes les formes neurologiques de séquelles », regrette le docteur Jean-François Cibien, vice-président d’Action praticiens hospitaliers, qui assiste des familles de soignants décédés du coronavirus pour monter des dossiers de reconnaissance en maladie professionnelle. Outre le caractère symboliquement important d’une telle reconnaissance, l’intérêt de cette procédure est également financier, les ayants droit pouvant alors bénéficier d’une rente. Celui-ci souhaiterait en outre que le gouvernement octroie aux soignants décédés la mention de morts pour le service de la nation et que l’État fasse bénéficier leurs enfants du statut de pupilles de la nation.

Mais si le résultat n’est pas à la hauteur des promesses concernant les soignants, pour les autres travailleurs malades du coronavirus, c’est encore pire. « C’est la procédure de reconnaissance hors tableaux des maladies professionnelles qui s’applique, ce qui veut dire qu’il faut prouver avoir subi au moins 25 % d’IPP (incapacité permanente partielle – NDLR) », regrette Jacques Faugeron, président de l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante), qui accompagne plus largement les salariés qui contractent des pathologies liées à leur activité professionnelle. « Dans certains cas, la difficulté va être de devoir prouver le lien direct et essentiel entre le travail et l’apparition de la maladie, donc de montrer que la personne n’a pas pu la contracter ailleurs qu’au travail », explique Me François Lafforgue, qui défend notamment deux familles de salariés de l’aéroport de Roissy décédés du Covid-19.

Sabrina Boumaza est déléguée CGT et employée au Carrefour de Stains. Atteinte du coronavirus mi-mars, elle subit encore des séquelles de la maladie aujourd’hui, qui la handicapent au quotidien. « En regardant mon dernier scanner, la pneumologue m’a dit que j’avais encore des traces du virus. Je suis sous Ventoline alors que je n’en avais jamais eu besoin avant le Covid. Mes reins aussi sont touchés. J’ai des problèmes de peau. J’ai des pertes de mémoire. Et j’ai beaucoup de mal à dormir, car j’ai peur de ne plus me réveiller », explique celle qui a passé une semaine sous respirateur après avoir eu l’impression d’étouffer et ressenti « des douleurs comme des contractions d’accouchement jusque dans les jambes ». Si elle a immédiatement déposé un dossier pour être reconnue en maladie professionnelle, elle attend toujours la position de l’assurance-maladie. Et se prépare à devoir se battre. « J’ai pris un avocat. Je suis en colère parce que notre employeur a pris les choses à la légère. Nous n’avions pas de masques jusqu’à début avril. Le fait que nous ne bénéficions pas d’une procédure simplifiée pour être reconnus en maladie professionnelle, ce n’est pas normal. Nous n’étions pas en deuxième ligne, nous étions en première ligne ! » s’insurge-t-elle, encore émue du décès de sa camarade de la CGT du Carrefour de Saint-Denis Aïcha. Malgré les séquelles, l’employée de Carrefour a repris le travail fin mai. « Mon généraliste voulait me prescrire une reprise à temps partiel, mais on est déjà payés des salaires de misère, je ne pouvais pas me le permettre », estime-t-elle.

Loan Nguyen

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