Malgré les déclarations gouvernementales,
les soignants qui ont contracté le coronavirus ne bénéficieront pas tous du
statut de la maladie professionnelle. Pour les salariés des autres secteurs, la
procédure sera encore plus compliquée.
Olivier Véran l’avait promis fin avril, la reconnaissance du Covid-19 en
maladie professionnelle serait « automatique » pour le
personnel soignant. Trois mois plus tard, le décret précisant les conditions
d’accès à ce statut n’est toujours pas paru, mais le projet actuellement sur la
table s’avère bien en deçà des promesses formulées par le ministre de la Santé
en plein pic pandémique. Révélé par la Revue fiduciaire début
juillet, cet ajout au tableau des maladies professionnelles ne concernerait que
les « affections respiratoires aiguës » « ayant nécessité une
oxygénothérapie » ou « ayant entraîné le décès ».
Autrement dit : seuls les cas les plus graves. La CGT santé action sociale a
immédiatement fait part de sa « colère » face à ce recul du
gouvernement. « Cela exclut de fait de nombreux travailleurs (dont des
soignants) qui, sans avoir été à ce point touchés, subiraient des séquelles à
plus ou moins long terme, liés à cette pathologie », a pointé de son
côté Force ouvrière, estimant « qu’à tout le moins le tableau devra tenir
compte du progrès des connaissances scientifiques sur cette pathologie ». « Ce
projet de décret omet notamment toutes les formes neurologiques de séquelles », regrette
le docteur Jean-François Cibien, vice-président d’Action praticiens
hospitaliers, qui assiste des familles de soignants décédés du coronavirus pour
monter des dossiers de reconnaissance en maladie professionnelle. Outre le
caractère symboliquement important d’une telle reconnaissance, l’intérêt de
cette procédure est également financier, les ayants droit pouvant alors
bénéficier d’une rente. Celui-ci souhaiterait en outre que le gouvernement
octroie aux soignants décédés la mention de morts pour le service de la nation
et que l’État fasse bénéficier leurs enfants du statut de pupilles de la
nation.
Mais si le résultat n’est pas à la hauteur des promesses concernant les
soignants, pour les autres travailleurs malades du coronavirus, c’est encore
pire. « C’est la procédure de reconnaissance hors tableaux des maladies
professionnelles qui s’applique, ce qui veut dire qu’il faut prouver avoir subi
au moins 25 % d’IPP (incapacité permanente partielle – NDLR) », regrette
Jacques Faugeron, président de l’Andeva (Association nationale de défense des
victimes de l’amiante), qui accompagne plus largement les salariés qui
contractent des pathologies liées à leur activité professionnelle. « Dans
certains cas, la difficulté va être de devoir prouver le lien direct et
essentiel entre le travail et l’apparition de la maladie, donc de montrer que
la personne n’a pas pu la contracter ailleurs qu’au travail », explique
Me François Lafforgue, qui défend notamment deux familles de salariés de
l’aéroport de Roissy décédés du Covid-19.
Sabrina Boumaza est déléguée CGT et
employée au Carrefour de Stains. Atteinte du coronavirus mi-mars, elle subit
encore des séquelles de la maladie aujourd’hui, qui la handicapent au
quotidien. « En regardant mon dernier scanner, la pneumologue m’a dit
que j’avais encore des traces du virus. Je suis sous Ventoline alors que je
n’en avais jamais eu besoin avant le Covid. Mes reins aussi sont touchés. J’ai
des problèmes de peau. J’ai des pertes de mémoire. Et j’ai beaucoup de mal à
dormir, car j’ai peur de ne plus me réveiller », explique celle qui a
passé une semaine sous respirateur après avoir eu l’impression d’étouffer et
ressenti « des douleurs comme des contractions d’accouchement jusque
dans les jambes ». Si elle a immédiatement déposé un dossier pour être
reconnue en maladie professionnelle, elle attend toujours la position de l’assurance-maladie.
Et se prépare à devoir se battre. « J’ai pris un avocat. Je suis en
colère parce que notre employeur a pris les choses à la légère. Nous n’avions
pas de masques jusqu’à début avril. Le fait que nous ne bénéficions pas d’une
procédure simplifiée pour être reconnus en maladie professionnelle, ce n’est
pas normal. Nous n’étions pas en deuxième ligne, nous étions en première
ligne ! » s’insurge-t-elle, encore émue du décès de sa camarade de la
CGT du Carrefour de Saint-Denis Aïcha. Malgré les séquelles, l’employée de
Carrefour a repris le travail fin mai. « Mon généraliste voulait me
prescrire une reprise à temps partiel, mais on est déjà payés des salaires de
misère, je ne pouvais pas me le permettre », estime-t-elle.
Loan Nguyen
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