Combien la police compte-t-elle de Derek Chauvin disséminés un peu partout
dans ses rangs ? Et combien encore de George Floyd succomberont pour avoir eu
le simple tort de croiser la route d’un de ces officiers ? Au fond, c’est la
principale question qui a conduit des milliers d’Américains à descendre dans
les rues de leurs villes et laisser éclater leur colère chaque jour depuis une
semaine, au-delà de l’élémentaire exigence de justice pour la victime morte
asphyxiée sous le genou d’un agent de Minneapolis, le 25 mai.
Derrière le nom de George Floyd, c’est tout un système qui est mis en
accusation. Celui qui fait qu’en 2020, la couleur de la peau d’un
Africain-Américain « le rend facilement reconnaissable, le rend
suspect, le convertit en une cible sans défense », comme le dénonçait
l’écrivain noir américain Richard Wright dans le récit autobiographique de son
enfance, Black Boy, en 1945. C’était avant le mouvement des droits
civiques, avant le rêve de Martin Luther King, avant le Civil Rights Act qui a
aboli la ségrégation aux États-Unis.
Dans les rues de
Minneapolis, d’Atlanta, de New York ou de Washington, l’Amérique a rendez-vous
pour solder ce passé que la société porte encore dans ses plis, et qui continue
de cantonner les Noirs dans les franges les plus pauvres et les plus
vulnérables de la population. Soutenu par les forces les plus conservatrices du
pays, Donald Trump est l’un des visages de ce passé qui ne passe pas et cherche
sa revanche. Au-delà de la violence de certains protestataires condamnée par
l’opposition au président républicain, c’est l’Histoire avec un grand H qui est
en train de s’écrire aux États-Unis, Noirs, Blancs et Latinos unis dans le
sillage des manifestations de 2014 à Ferguson et de la campagne « Black Lives
Matter » (« Les vies des Noirs comptent »). On peut regretter les pillages
en marge des manifestations, sans jamais oublier que les premiers responsables
de l’embrasement actuel sont le racisme structurel de la police et la politique
de Donald Trump qui l’encourage avec ses déclarations incendiaires. Rien ne
serait pire que l’opinion américaine détourne le regard et revienne
tranquillement à ses affaires.
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