lundi 1 juin 2020

« SYSTÈME », L’ÉDITORIAL DE S­EBASTIEN CRÉPEL DANS L’HUMANIT­É DE CE JOUR !




Combien la police compte-t-elle de Derek Chauvin disséminés un peu partout dans ses rangs ? Et combien encore de George Floyd succomberont pour avoir eu le simple tort de croiser la route d’un de ces officiers ? Au fond, c’est la principale question qui a conduit des milliers d’Américains à descendre dans les rues de leurs villes et laisser éclater leur colère chaque jour depuis une semaine, au-delà de l’élémentaire exigence de justice pour la victime morte asphyxiée sous le genou d’un agent de Minneapolis, le 25 mai.

Derrière le nom de George Floyd, c’est tout un système qui est mis en accusation. Celui qui fait qu’en 2020, la couleur de la peau d’un Africain-Américain « le rend facilement reconnaissable, le rend suspect, le convertit en une cible sans défense », comme le dénonçait l’écrivain noir américain Richard Wright dans le récit autobiographique de son enfance, Black Boy, en 1945. C’était avant le mouvement des droits civiques, avant le rêve de Martin Luther King, avant le Civil Rights Act qui a aboli la ségrégation aux États-Unis.

Dans les rues de Minneapolis, d’Atlanta, de New York ou de Washington, l’Amérique a rendez-vous pour solder ce passé que la société porte encore dans ses plis, et qui continue de cantonner les Noirs dans les franges les plus pauvres et les plus vulnérables de la population. Soutenu par les forces les plus conservatrices du pays, Donald Trump est l’un des visages de ce passé qui ne passe pas et cherche sa revanche. Au-delà de la violence de certains protestataires condamnée par l’opposition au président républicain, c’est l’Histoire avec un grand H qui est en train de s’écrire aux États-Unis, Noirs, Blancs et Latinos unis dans le sillage des manifestations de 2014 à Ferguson et de la campagne « Black Lives Matter » (« Les vies des Noirs comptent »). On peut regretter les pillages en marge des manifestations, sans jamais oublier que les premiers responsables de l’embrasement actuel sont le racisme structurel de la police et la politique de Donald Trump qui l’encourage avec ses déclarations incendiaires. Rien ne serait pire que l’opinion américaine détourne le regard et revienne tranquillement à ses affaires.


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