Une nouvelle séquence politique s’ouvre ce matin. L’entre-deux-tours le
plus long de l’histoire de la Ve République s’est achevé hier sur un
paradoxe démocratique. Les élections municipales, qui avaient jusqu’à présent
résisté à la crise de confiance, enregistrent un sinistre record d’abstention
– 59 % –, qu’on se gardera bien d’attribuer uniquement aux
appréhensions sanitaires dans les bureaux de vote. Alors que tout un pays a
exprimé, pendant le confinement, sa soif de changement, que le désir d’imaginer
un autre monde s’est substitué à l’angoisse du moment, le bulletin de vote
n’est pas apparu comme le moyen de faire advenir « ce jour d’après » pour plus
d’un électeur sur deux.
Sous l’écume du scrutin, c’est bien contre cette lame de fond de l’abstention
qu’il faudra lutter si l’on veut que le pouvoir cesse d’être confisqué au
détriment des intérêts populaires. D’autant qu’en dépit de la victoire
d’Édouard Philippe au Havre, la Macronie se voit infliger une déroute
cinglante. L’« hyperprésident », plus que jamais hors-sol, a déjà tout prévu
pour esquiver les résultats du scrutin. Mais les faits sont têtus. Sa stratégie
d’enracinement est un échec absolu, comme d’ailleurs pour toutes les
« nouvelles » organisations politiques issues du séisme de 2017. Le clivage
gauche-droite a fait son grand retour, balayant l’imposture macroniste,
irrémédiablement amarrée à l’électorat des « Républicains ». Si « l’inondation » prédite
par le RN n’a pas eu lieu, Marine Le Pen ne manquera pas d’instrumentaliser la
victoire emblématique de Louis Aliot à Perpignan.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Un grand vent d’espoir souffle ce matin
avec la conquête par la gauche de nombreuses grandes villes comme Marseille,
Bordeaux, Lyon ou Strasbourg. Cette dynamique, qui témoigne d’une profonde
aspiration à sortir du capitalisme prédateur, va reconfigurer le rapport de
forces politique national, quand les communes sont appelées à jouer un rôle
décisif pour les alternatives écologiques et sociales. Pour le PCF, en dépit de
pertes symboliques comme Saint-Denis, les communistes reconquièrent Villejuif,
Bobigny, Noisy-le-Sec…
« La poussée verte » s’ancre donc bien à
gauche, rappelant, s’il le fallait encore, qu’il n’y aura pas de justice
climatique sans justice sociale. Oui, l’union a fait la force. Appelons-la
autrement si cela nous chante. Sans doute faudra-t-il s’en rappeler pour
d’autres échéances à venir.
Par Maud Vergnol
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