Les mots ne suffiront pas. Alors que le
mouvement de protestation contre les violences policières et le racisme
s’intensifie, l’exécutif ne cache plus sa crainte de voir se lever un vent de
révolte durable au sein de la jeunesse. À sa manière, Emmanuel Macron a bien
compris que le divorce était consommé. Si les États-Unis ne sont pas la France,
l’affaire George Floyd sert de vecteur au mal-être de la partie la plus jeune
de la population, pour laquelle tout ressort en bloc: les discriminations, les
humiliations, la xénophobie, les ségrégations, la précarité, le chômage,
l’absence de perspectives d’à-venir…
L’affaire est sérieuse et pourrait bien
déboucher sur une rupture générationnelle d’une ampleur inédite et menaçante
pour la cohésion de la société. Certes, nous n’avons pas attendu le Covid-19
pour constater cette fracture béante, singulièrement envers la jeunesse des
quartiers populaires, frappée par toutes les injustices systémiques. Mais les
effets du confinement, utile pour protéger les plus âgés, a jeté les
primo-générations dans une fragilité sans précédent. Scolarité, examens,
diplômes, formations, entrée dans l’emploi: les conditions de vie se sont
aggravées, rendant le quotidien encore plus anxiogène que d’ordinaire…
Que deviennent dès lors nos jeunes –
qu’ils soient héritiers de l’immigration ou non –, au gré d’une société
inégalitaire, d’une éducation à la dérive et d’un monde où seul est glorifié le
culte du fric et de la réussite télémarchandisée? Chômage de masse des moins de
30 ans (40% dans les zones dites sensibles), paupérisation, destruction
des services publics: la crise économique paraît hors-sol, mais la misère,
elle, a des racines si profondes qu’elles labourent et écrasent les entrailles
des quartiers, des familles, des jeunes, de nos enfants, broyés sous le
laminoir d’un paysage sanitaire et économique dévasté, victimes d’une époque
frappée du sceau de la déréalisation. L’avenir de la République se joue en
grande partie dans ces quartiers populaires. Si le décrochage se poursuit, la
République elle-même sombrera.
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