Emmanuel Macron a annoncé dimanche que le pays avait remporté une
« première victoire » contre le Covid-19. L’ensemble du territoire passe ainsi
en zone verte, et le second tour des municipales aura bien lieu le
28 juin. Dès à présent, le président de la République l’assure : il est
possible de « reprendre pleinement le travail » et de « retrouver notre art de
vivre ». Après avoir vanté le « choix humaniste de placer la santé au-dessus de
l’économie », qui a permis de sauver des « dizaines de milliers de vies »,
après avoir salué tous ceux qui se sont retrouvés en première ligne et, enfin,
souligné que « 500 milliards d’euros » ont été mobilisés dans la période,
Macron a évoqué l’après. Car ces milliards « viennent s’ajouter à notre
dette ». Or, « nous ne la financerons pas en augmentant les impôts »,
assène-t-il, écartant tout retour de l’ISF. La « seule réponse », c’est de
« travailler, de produire davantage », insiste-t-il. « Nous devons le faire
alors que notre pays va connaître des plans sociaux et des faillites
multiples », pronostique le président, qui souhaite répondre par une
reconstruction économique qui devra être « écologique, souveraine et solidaire ».
Celle-ci sera « préparée tout l’été avec les forces vives de la nation ». À
voir, tant ces forces ont été écartées depuis le 15 mars. Le président
entend aussi donner « des libertés et des responsabilités inédites » aux
hôpitaux, universités et maires, avec à n’en pas douter un fort risque de
rupture de l’égalité républicaine. Une mesure qu’il cherche à imposer depuis
des mois. « Je ne crois pas que relever les défis qui sont devant nous invitent
à revenir en arrière », tranche-t-il. « Et cela ne s’arrêtera pas. »
Déconfinement accéléré, retour de l’école obligatoire. À défaut d’acte 3 du
quinquennat, les Français ont gagné, dimanche soir, quelques précisions sur
l’épisode 3 du déconfinement, après les assouplissements intervenus les
11 mai et 2 juin derniers. Même si « le virus n’a pas disparu »
et « qu’il faudra vivre encore longtemps avec lui », Emmanuel Macron a
annoncé que l’ensemble du territoire, sauf Mayotte et la Guyane encore très
touchées, allait passer, dès ce lundi, « en zone verte ». Conséquences : « Une
reprise plus forte du travail », « la réouverture des cafés et restaurants en
Île-de-France », « la possibilité de se déplacer dans les pays
européens sans restriction », et même, à partir du 1er juillet, au-delà du
Vieux Continent, dans les États qui parviennent à maîtriser l’épidémie.
Surtout, le chef de l’État a répondu à l’attente de nombreux parents en
rétablissant, « à partir du 22 juin », le principe de l’école
« obligatoire », « selon les règles de présence normales », dans les écoles maternelles,
primaires et les collèges, sans mentionner toutefois les lycées (lire en
p. 4). Autre conséquence de cette épidémie contenue, les visites dans les
maisons de retraite et les établissements d’hébergement pour personnes âgées
dépendantes (Ehpad) seront de nouveau « autorisées » à partir de ce lundi, sans
restriction, autre que les classiques mesures barrières. Mais les
rassemblements de personnes resteront « très encadrés », pour éviter toute
seconde vague. « Nous devons nous préparer si l’épidémie revient avec plus de
force », a-t-il aussi prévenu.
Autocélébration et généralités. En fait d’annonces fracassantes, le chef de
l’État s’est borné à vanter les mérites de sa politique économique, tout en
traçant un timide cap pour la suite. « Chômage partiel, prêts aux entreprises,
accompagnement aux indépendants… Tout a été mis en œuvre pour sauvegarder nos
emplois », a-t-il tout d’abord énuméré. Avant de renchérir dans
l’autocélébration : « Plans massifs pour l’industrie automobile,
l’aéronautique, le tourisme… Nous avons mobilisé près de 500 milliards
d’euros pour notre économie. Dans combien de pays tout cela a-t-il été fait ? »
Pour ce qui est de l’avenir, Emmanuel Macron s’est placé dans le droit-fil
de son discours du 31 mars dernier, où il avait surpris par ses accents
souverainistes. Il va falloir « reconstruire une économie forte, écologique,
souveraine et solidaire », a-t-il martelé, appelant à sceller un nouveau
« pacte productif ». Ce « pacte », aux contours flous, impliquera visiblement des
relocalisations, mais seulement « lorsque cela se justifie ». Au détour d’une
envolée, Emmanuel Macron a également laissé entendre qu’il faudra « travailler
davantage » – sans reprendre la formule sarkozienne jusqu’au bout qui
précisait « pour gagner plus » – tout en insistant sur la multiplication
probable des « faillites et des plans sociaux ».
Une porte ouverte au chantage à l’emploi, qui a déjà commencé à être
utilisé par certaines directions d’entreprises ? Finalement, la seule annonce
tangible tient en un plan de rénovation thermique des bâtiments, sans chiffrage
pour autant. Quant aux mesures censées assurer la transition écologique de
notre modèle productif, elles se résument à une « industrie plus verte » et à
un énigmatique recours à « notre puissance maritime ».
Enfin, le chef de l’État a adressé quelques phrases aux personnels
soignants, qui ont prévu de descendre dans la rue le 16 juin. Après avoir
salué leur courage, il a assuré qu’ils seraient « revalorisés » dans le cadre
du Ségur. Les syndicats redoutent que, si les négociations débouchent bien sur
une revalorisation de leur traitement, ce rattrapage salarial se fasse au prix
d’une nouvelle flexibilisation. C’est ce qu’avait annoncé il y a trois semaines
déjà le ministre de la Santé Olivier Véran en expliquant à des soignants de la
Pitié-Salpêtrière sidérés : « Nous avons fait le bon diagnostic, nous avons
pris les bonnes orientations. Mais nous n’avons été ni assez vite ni assez
fort. »
Silence et mépris sur
les violences policières. L’intervention du président, silencieux depuis le
2 juin, date à laquelle s’étaient réunis devant le tribunal de Paris des
milliers de manifestants à l’appel du comité Adama, était très attendue sur la
question du racisme et des violences policières. Au lendemain d’une nouvelle et
importante manifestation (lire p. 7), Emmanuel Macron en a d’abord appelé
à l’« unité autour du patriotisme républicain ». « Nous sommes une nation où
chacun, quelles que soient ses origines, sa religion, doit trouver sa place. Est-ce
vrai partout et pour tout le monde ? Non », a-t-il lucidement constaté, mais
pour mieux en appeler à l’égalité des chances.
Le concept favori des
libéraux pour cacher la forêt des inégalités. Le chef de l’État a promis « de
nouvelles décisions fortes » en la matière après que la porte-parole du
gouvernement a plaidé, samedi, la réouverture du « débat autour des
statistiques ethniques » et que le ministre de la Ville a annoncé de nouveaux
testings en entreprise.
Si l’hôte de l’Élysée a
enjoint à être « intraitable face au racisme, à l’antisémitisme et aux
discriminations », il n’a pas eu un mot sur les violences policières dénoncées
par des milliers et des milliers de jeunes. Il a préféré envoyé des gages aux
policiers et gendarmes mobilisés depuis jeudi dernier contre les mesures
annoncées par Christophe Castaner la semaine dernière, notamment la suppression
de la clé d’étranglement. « Ils sont exposés à des risques quotidiens en notre
nom, c’est pourquoi ils méritent le soutien de la puissance publique et la
reconnaissance de la nation », a-t-il déclaré avant de fermer le ban.
En revanche, Emmanuel
Macron s’est fait le pourfendeur des « séparatistes », quitte à stigmatiser
l’ensemble du mouvement mondial qui s’est mis en branle depuis la mort de George
Floyd. « Ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme,
en réécriture haineuse ou fausse du passé », a-t-il affirmé, prévenant que « la
République n’effacera aucune trace, ni aucun nom de son histoire », tout en
appelant à « lucidement regarder ensemble toute notre histoire, toutes nos
mémoires », « notre rapport à l’Afrique en particulier ». Un renversement des
rôles alors que les jeunes mobilisés veulent précisément faire la lumière sur les
pans oubliés de notre histoire.
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