mardi 21 avril 2020

" Brouillon ", l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité de ce jour !



Emmanuel Macron décide. Jean-Claude Blanquer exécute. Chargé de mettre en musique la volonté jupitérienne, le ministre de l’Éducation nationale a commencé à détailler hier, tant bien que mal, ses premières pistes pour une reprise progressive de l’école à partir du 11 mai. Exercice de haute voltige, tant le choix controversé de cette date, décrétée par le chef de l’État, s’est dispensé de toute assurance scientifique, que ce soit sur le risque de transmission des plus jeunes où l’immunité acquise des enseignants en l’absence de tests à grande échelle. De fait, l’empressement présidentiel a pris tout le monde de court. Jusqu’à son propre exécutif. Et, compte tenu du retard de la France dans la gestion de la pandémie, cette réouverture des classes étalée sur trois semaines reste des plus hasardeuses. Autant que sont trompeuses les raisons invoquées officiellement.

Selon le « storytelling » concocté par l’Élysée, il s’agirait, pour Emmanuel Macron, de ne pas se laisser creuser les inégalités scolaires en temps de confinement. On en aurait presque la larme à l’œil si on omettait que, depuis 2017, les réformes conjuguées du lycée, de Parcoursup et de la filière professionnelle provoquent exactement l’inverse. Non, le chef de l’État, un brin hypocrite, n’a pas eu de révélations en lisant Bourdieu. Son but est de faire revenir un maximum de parents au travail, afin de remettre en route une machine économique en capilotade et de rassurer les sacro-saints marchés. Au prix de relancer potentiellement l’épidémie ? C’est le risque pris en haut lieu.

Le brouillon présenté par Jean-Michel Blanquer n’offre aucune assurance sur le plan sanitaire. Et s’est dispensé de toute concertation approfondie avec les personnels. Tiraillée entre le désir de retrouver leurs élèves et la peur de servir de chair à canon, les profs exigeaient des mesures précises. À l’heure qu’il est le ministre n’est pas en mesure de leur assurer le minimum syndiacal. Inquiétant. Au Japon, sur l’Île d’Hokkaido, les écoles avaient été rouvertes depuis le 6 avril. Avant de refermer la semaine dernière face à la multiplication des cas de contamination. La précipitation coupable du gouvernement pourrait bien avoir les mêmes conséquences.

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