Le pays est en train de débuter son
déconfinement. Et, même si le nombre de cas est reparti hier à la hausse, l'Allemagne affiche
jusqu’ici, et de très loin, un bien meilleur bilan de la lutte contre la
pandémie que ses grands voisins européens, en particulier la France.
Explications.
Quel est le secret de l’Allemagne ? Le pays affiche jusqu’ici et de très
loin un bien meilleur bilan de la lutte contre la pandémie que ses grands
voisins européens, en particulier France et Royaume-Uni. Berlin et les
dirigeants des seize Länder (États-régions), associés étroitement dans la
gestion de la crise, estiment que la pandémie serait désormais « sous
contrôle » et ils ont lancé, depuis hier, des premières mesures d’un
déconfinement qu’ils veulent « prudent et progressif » en
autorisant la réouverture de tous les commerces de moins de 800 mètres
carrés.
L’Allemagne déplorait, ce mardi 21 avril, 4.598 décès provoqués par le
Covid-19, soit quatre fois moins que la France pour un nombre d’infections
prouvées sensiblement identique (aux alentours de 150 000) dans les deux pays.
Une meilleure anticipation de la gravité de la pandémie, un recours massif aux
tests de dépistage et une densité hospitalière mieux préservée sont les
éléments d’explication essentiels de cette capacité à réduire sensiblement le
nombre de victimes du virus.
« Trois semaines d’avance sur ses voisins
européens »
Alors que Paris se signalait par ses terribles atermoiements, l’alerte
maximum allait être enclenchée par Berlin dès que les premiers cas de
contamination sont apparus en Bavière, à la mi-janvier. Le grand centre de
recherche de l’hôpital de la Charité dans la capitale allemande a transmis
alors à tous les laboratoires du pays les procédures de test du Covid-19.
L’Allemagne allait pouvoir monter en puissance très rapidement vers un recours
massif au dépistage. Jusqu’à pratiquer, aujourd’hui quelque 500 000 tests
hebdomadaires. « L’Allemagne a pris, je crois, au moins trois semaines
d’avance sur ses voisins européens parce que nous avons beaucoup diagnostiqué,
beaucoup testé », expliquait, le 20 mars dernier, Christian
Drosten, directeur de l’Institut de virologie de la Charité, dans les colonnes
de l’hebdomadaire Die Zeit.
Mais encore fallait-il que le pays dispose des moyens de cette réactivité.
Pour fabriquer les tests nécessaires, les autorités allemandes vont pouvoir
s’adosser sur un tissu industriel fort, détenant une maîtrise de la haute
technologie.
À l’inverse de Paris qui, confronté à la misère de la désindustrialisation
hexagonale, est contraint de gérer la pénurie en termes de tests comme de
masques et autres équipements clés. Une entreprise berlinoise, TIB Molbiol, va
être sollicitée pour produire à grande échelle des tests dès février. Et les
hôpitaux allemands vont très vite passer commande de quelque
10 000 respirateurs auprès d’entreprises locales en prévision d’un
éventuel afflux de patients dans leurs centres de soins intensifs.
Maintien d’une densité hospitalière
relativement forte
À côté de cet atout industriel, le maintien d’une densité hospitalière
relativement forte constitue l’autre secret du bon comportement allemand face à
la pandémie. Et cela en dépit de l’austérité qui a conduit nombre de
collectivités régionales à saper dans leurs dépenses de santé. L’Allemagne
dispose, selon les chiffres de l’OCDE, de 6,02 lits de soins aigus pour
1 000 habitants contre 3,09 pour la France. Un état de fait qui a
d’ailleurs conduit à de remarquables gestes de solidarité de plusieurs
établissements allemands qui ont accueilli des patients français dans leurs
services intensifs quand les hôpitaux du Grand Est étaient submergés.
Il y a cependant
quelques ombres au tableau de cette gestion plutôt exemplaire. L’un des
principaux sujets d’inquiétude porte sur l’accès aux soins des milieux
populaires. Un système de couverture maladie à deux vitesses fait en effet
cohabiter, depuis des années, les souscripteurs d’assurances privées issus des
milieux les plus aisés avec les assurés des caisses légales (l’équivalent de
notre Sécurité sociale). Et les mieux et les plus rapidement servis sont
naturellement les premiers. En cas de nouvelle flambée de l’épidémie, des
arbitrages déjà insupportables pourraient prendre une dimension obscène. Et
l’inquiétude d’une résurgence du fléau peut se nourrir de l’attitude d’un
patronat allemand qui mène une campagne de tous les instants pour une
réouverture la plus rapide possible de l’économie. Quoi qu’il arrive.
BRUNO ODENT
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