Douze étages, 249 appartements flambant neufs et
garantis normes antisismiques… Et, pourtant, la résidence Rönesans s’est
effondrée moins de trente secondes après le début du séisme du 6 février,
engloutissant des centaines d’habitants. À quelques dizaines de mètres de
l’amas de gravats, d’autres bâtiments sont abîmés, mais toujours debout.
Terrible acte d’accusation contre le promoteur véreux et avide qui a bâti cette
immense tombe.
Et pourquoi s’en serait-il privé ? Rien que
dans la région d’Antakya
(Antioche), ce sont des dizaines de milliers d’édifices qui ont été érigés sans
tenir compte des normes. Des millions dans le pays. Depuis les années 2000 et
l’arrivée au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan, le secteur immobilier
fait partie des enfants gâtés du régime. La frénésie immobilière a dopé
l’économie turque et, selon un rapport de 2020, le nombre d’entreprises opérant
dans ce secteur avait augmenté de 43 % en dix ans. Argent facile et sans risque, sauf pour
les habitants. Les promoteurs misent sur « l’amnistie ». Un
dispositif de 2018 qui leur permet de ne payer qu’une simple amende pour des bâtiments qui n’auraient
jamais dû voir le jour, car enfreignant les règles de sécurité. Des pots-de-vin légaux, en quelque sorte. Plus de 3 millions de logements ont ainsi été régularisés, rapportant quelque
4 milliards d’euros à l’État. Sans le tremblement de terre, rien n’aurait
empêché le promoteur de Rönesans de bénéficier, lui aussi, de ce type de
dispositif puisque, ironie macabre, le Parlement turc était justement saisi
d’une nouvelle loi d’amnistie.
Si rien ne change, on sait d’ores et déjà que le
prochain séisme dans ce pays à haut risque sera tout aussi meurtrier. Si un
tremblement de terre d’une magnitude de 7,5 touchait Istanbul, 50 000 à 200 000 bâtiments
pourraient s’effondrer et entraîner la mort de centaines de milliers
d’habitants, selon les experts. Contre cette corruption légale, le peuple turc
a l’occasion de tourner la page Erdogan dès l’élection présidentielle, en mai
prochain.
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