L’Assemblée nationale n’est pas seulement l’agora où
se fabrique la loi. C’est aussi un théâtre, où le conflit se met en scène et
tourne parfois au spectacle. Tout s’y prête : le décor, les costumes, la scène
– l’Hémicycle –, les rôles bien codifiés – la majorité, l’opposition,
le gouvernement –, le rythme des séances et le règlement avec lequel on
peut jouer. Unité de lieu, de temps et d’action. Cela nuit-il à la dignité du
travail du législateur ? Pas forcément. On se régale encore
du beau « spectacle » du débat sur la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État ou, plus
récemment, de la vibrante « performance » assurée sans notes
de Christiane Taubira en faveur du mariage pour tous.
Il arrive aussi, comme au théâtre, que la « pièce » soit mauvaise, ou qu’elle soit mal servie par la troupe. C’est ce qui s’est produit
avec la réforme des retraites. Le véritable drame est que celle-ci n’a rien d’une comédie, car c’est du sort de millions de Français qu’il est question. Pas sûr que le
citoyen, à qui le gouvernement demande de sacrifier deux ans de vie, ait été
spécialement heurté par la « violence » des opposants à la réforme. Mais beaucoup auront
trouvé le spectacle désolant. La faute en incombe en premier lieu au
gouvernement, qui a imposé un délai intenable à l’examen du texte. Et qui n’a
pas voulu voir que la « scène » ne se
limitait pas au Palais Bourbon, mais se jouait aussi dans la rue avec la
participation de millions de manifestants. Dans ces conditions, le fait que les
députés insoumis décident d’écrire leur propre intrigue, sans concertation
avec le reste des troupes, a assuré le gâchis final d’un débat tronqué et sans
vote.
L’examen du texte aurait-il été à la hauteur des
attentes en évitant les invectives faciles et souvent inutiles ? Rien ne
permet de le dire, mais la véhémence incontrôlée de certains députés sert aujourd’hui la propagande des partisans de la réforme. Temps, lieu, action : aucune des règles n’a été respectée. Il appartient au Sénat de les imposer pour que les
Français, qui ont le droit de faire valoir leur avis majoritaire dans ce débat,
puissent enfin y parvenir.
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