La réponse des citoyens au projet du gouvernement de
reculer l’âge légal de la retraite à 64 ans a été franche et massive. Deux
millions de personnes à travers le pays ont choisi de descendre dans la rue
pour protester contre cette réforme injuste. Jamais une première journée de
mobilisation contre une réforme des retraites n’avait réuni autant de monde.
Dans certaines petites villes de France, c’est un nombre inédit de manifestants
qui se sont retrouvés.
Aucun des arguments du gouvernement ne parvient à
convaincre, et pour cause : ils sont soit trompeurs, soit carrément mensongers. «Il n’y a pas de perdants» avec cette
réforme, a même osé le ministre Olivier Dussopt, en charge du dossier, alors
que tout le monde a compris qu’il n’y aurait, au contraire, aucun gagnant : travail
allongé pour tous et décote plus forte, surcote moindre ou pension plus faible, selon les cas.
Si la réforme venait à être appliquée, ce serait au
sens propre un passage en force puisqu’elle ne s’appuie sur rien de solide. Le
gouvernement n’a pas de légitimité politique, puisque la grande majorité des
Français y sont opposés et qu’Emmanuel Macron a été élu essentiellement pour
faire barrage à l’extrême droite. Aucune légitimité sociale, puisque le
président du Conseil d’orientation des retraites, Pierre-Louis Bras, explique
lui-même que «les dépenses de retraite sont globalement stabilisées et, même à
très long terme, elles diminuent dans trois hypothèses sur quatre». Aucune
légitimité économique enfin, puisque le gouvernement explique que cette réforme
servirait à financer d’autres besoins en termes d’éducation ou de santé.
Argument presque lunaire au moment où l’on apprend le montant des profits
record du CAC 40 (172 milliards d’euros), celui du versement des
dividendes (80 milliards), et pour couronner le tout l’augmentation sans
précédent de la fortune des milliardaires français depuis le Covid
(+ 173 milliards rien que pour les cinq plus riches d’entre eux). De
l’argent, il y en a donc (beaucoup), et ailleurs que dans les poches des futurs
retraités.
La ficelle est grosse et c’est une des raisons du
succès du 19 janvier : le gouvernement se fout du monde et ça se voit. Car, au-delà de l’appréhension de
la nocivité du projet gouvernemental, la mobilisation et son
soutien par l’opinion disent également le ras-le-bol qui sourd depuis des mois dans les tréfonds du pays. Comment subir la hausse de l’énergie
due au bradage du service public, la hausse des prix des produits de première
nécessité sans aides significatives du gouvernement et les affres quotidiennes
dans les transports ou la santé sans réagir ? Le mouvement des retraites peut être le catalyseur
des colères et de la volonté de changement contre un système qui craque.
Mais, non content de vouloir aller au bout d’une
réforme massivement rejetée, l’exécutif envisage l’utilisation de
l’article 47-1, artifice constitutionnel pour faire passer un texte et
l’appliquer par décret sans motion de censure possible. Il ferait pourtant bien
de se souvenir que bafouer les institutions républicaines dans un contexte de
crise sociale peut mener au pire. Le président a semble-t-il oublié qu’il a été
élu face à l’extrême droite et qu’elle est aujourd’hui plus menaçante que
jamais.
À trop vouloir imposer un projet illégitime en pariant
sur le pourrissement, c’est la République qu’il met en danger. S’il faut
trouver des acteurs publics responsables, c’est bien du côté des syndicats et
de l’opposition de gauche qu’il faut chercher. Le succès du 19 janvier
appelle à construire une mobilisation dans la durée, forte avec la justice
sociale et la taxation du capital comme alternative. Un pas vers la République
sociale, en somme. Dans la rue, il faudra encore de nombreux pas pour y
arriver. Des millions de Français y sont prêts.
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