jeudi 5 janvier 2023

« Faille démocratique », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Des centaines de milliers d’euros en liquide saisis au domicile d’un eurodéputé et chez une vice-présidente du Parlement européen ; d’interlopes intermédiaires pourvoyeurs de « cadeaux » ; des ONG de façade ; des décisions, des amendements, des résolutions calqués sur les intérêts d’États tiers : les investigations conduites par le juge belge Michel Claise, franc pourfendeur de la criminalité financière, font à Bruxelles l’effet d’une bombe au cœur des institutions européennes. Elles mettent au jour, à ce stade, des « faits présumés d’organisation criminelle, de corruption et de blanchiment », en relation avec des pays qui auraient cherché à « influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen ».

Derrière le Qatargate, qui jette une lumière crue sur la stratégie de Doha pour faire oublier, avant le Mondial de football 2022, les violations des droits humains et l’exploitation meurtrière des travailleurs migrants dans l’émirat gazier, les enquêteurs belges ont surtout remonté le fil d’un Marocgate éclairant les ingérences de Rabat. Objectifs du royaume chérifien : peser sur les positions européennes relatives au conflit de décolonisation qui perdure au Sahara occidental, gagner des alliés pour défendre les intérêts de l’État marocain dans la laborieuse élaboration d’un accord agricole et d’un accord de pêche plusieurs fois invalidés par la justice européenne.

Ce scandale de corruption présumée a installé, à Bruxelles, une atmosphère de glace. Il révèle les failles profondes d’une « démocratie » européenne qui tient les citoyens à distance mais élève les lobbies de toutes sortes au rang de « composante légitime et indispensable du processus décisionnel ». Les promesses de « régulation » et autres « registres de transparence » relèvent, dans ce champ, de la fable. Que ces groupes de pression défendent les intérêts de multinationales ou ceux de dictatures, ils ruinent la démocratie, minent l’État de droit et tournent, toujours, le dos à l’intérêt général.

 

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