Des centaines de milliers d’euros en liquide saisis au
domicile d’un eurodéputé et chez une vice-présidente du Parlement
européen ; d’interlopes intermédiaires pourvoyeurs de « cadeaux » ;
des ONG de façade ; des décisions, des amendements, des résolutions
calqués sur les intérêts d’États tiers : les investigations conduites par
le juge belge Michel Claise, franc pourfendeur de la criminalité financière,
font à Bruxelles l’effet d’une bombe au cœur des institutions européennes.
Elles mettent au jour, à ce stade, des « faits présumés
d’organisation criminelle, de corruption et de blanchiment », en
relation avec des pays qui auraient cherché à « influencer les
décisions économiques et politiques du Parlement européen ».
Derrière le Qatargate, qui jette une lumière crue sur
la stratégie de Doha pour faire oublier, avant le Mondial de football 2022, les
violations des droits humains et l’exploitation meurtrière des travailleurs
migrants dans l’émirat gazier, les enquêteurs belges ont surtout remonté le fil
d’un Marocgate éclairant les ingérences de Rabat. Objectifs du royaume
chérifien : peser sur les positions européennes relatives au conflit de
décolonisation qui perdure au Sahara occidental, gagner des alliés pour
défendre les intérêts de l’État marocain dans la laborieuse élaboration d’un
accord agricole et d’un accord de pêche plusieurs fois invalidés par la justice
européenne.
Ce scandale de corruption présumée a installé, à Bruxelles,
une atmosphère de glace. Il révèle les failles profondes d’une
« démocratie » européenne qui tient les citoyens à distance mais
élève les lobbies de toutes sortes au rang de « composante
légitime et indispensable du processus décisionnel ». Les promesses
de « régulation » et autres « registres
de transparence » relèvent, dans ce champ, de la fable. Que ces
groupes de pression défendent les intérêts de multinationales ou ceux de
dictatures, ils ruinent la démocratie, minent l’État de droit et tournent,
toujours, le dos à l’intérêt général.
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