jeudi 1 décembre 2022

« Malade », l’éditorial de Cédric Clérin dans l’Humanité.



Le mal les ronge de l’intérieur. Le constat que font les agents qui ont décidé de prendre la parole est implacable: la police est gravement malade. «Violences policières, sexisme et racisme ordinaires, dissimulation de délits, abondance de faux en écriture publique, corruption, tyrannie hiérarchique, radicalisation médiatisée des syndicats ou encore politique du chiffre» écrivent-ils dans un livre riche de témoignages rares. Ce sont tous ces affres auxquelles sont confrontés quotidiennement des fonctionnaires censés préserver l’ordre public. Le malaise est si profond que près de 50 agents se donnent la mort chaque année. Ils ont perdu le sens du métier parce que la police ne joue plus son rôle, enfermée dans un cercle vicieux: les violences internes provoquent des violences envers la population, qui provoquent à leur tour ressentiment et violences. Et ainsi de suite.

Face à ce double échec, les syndicats majoritaires, loin de jouer leur rôle pour améliorer la situation, sont un maillon essentiel du problème. Leurs principales activités sont d’aider à couvrir les violences, taire les discriminations, bâillonner les réfractaires. L’impunité devient loi et les ministres successifs n’ont fait qu’avaliser cet état de fait.

Loin d’être un problème corporatiste, ce délitement concerne toute la société. D’abord, parce que la politique du chiffre a pour conséquence directe d’empêcher l’institution de remplir sa mission, donc de laisser proliférer violences, trafics et injustices. Ensuite, parce que les valeurs, en vérité fort peu républicaines, qui sont sciemment véhiculées au sein de la police, couplées à la centralisation du pouvoir constituent un cocktail explosif à l’heure où l’extrême droite se rapproche du pouvoir. Avec les courageux témoignages désormais disponibles, le temps du déni doit se terminer et le paravent des brebis galeuses tomber. Le problème est bien systémique. Il est temps d’agir. Pour les policiers eux-mêmes, mais aussi et surtout pour tous les citoyens.

 

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