vendredi 23 décembre 2022

« Et maintenant ? », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Un conte commence ainsi: «C’était le soir du 24 décembre. De gros flocons de neige venaient tapisser les trottoirs. Une petite fille marchait dans le froid, la tête et les pieds nus...» Qui n’a pas été bouleversé en lisant la Petite Fille aux allumettes, de Hans Christian Andersen? Ce soir, rien qu’à Paris illuminée pour les fêtes, on estime que 700 enfants vont dormir dans la rue; 48 bébés y avaient vu le jour en 2017, 100 en 2018, 146 en 2019. Plus largement, quand bien même les chiffres sont difficiles à établir, 27000 personnes en France vivraient sans abri. 300000 seraient sans domicile fixe dans des hébergements durgence, des abris de fortune, des halls dimmeuble. Cest deux fois plus quen 2012 et trois fois plus quen 2001. Chaque soir, 4000 appels au 115 se heurtent, indique la Fondation Abbé-Pierre, à un refus de prise en charge, faute de place. Des chiffres qui sont autant de drames face auxquels, quoi qu’on fasse, on finit par éprouver un sentiment d’impuissance, mais aussi de révolte.

27 juillet 2017. «La première bataille, cest de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus voir, d’ici la fin de l’année, des hommes et des femmes dans les rues, dans les bois ou perdus.» Après ces paroles, à la télévision, Emmanuel Macron a tenté de rétropédaler deux ans plus tard: «Jai eu à Orléans un mot sur les demandeurs d’asile qui étaient dans la rue.» Les demandeurs d’asile, seulement? Un mot, pas plus? Il nest que de revoir la séquence pour en juger. Et quand bien même il naurait parlé que des demandeurs dasile. Chaque nuit, des centaines de mineurs isolés dorment à même le sol dans nos villes.

Pour les 39 associations unies dans la lutte contre le mal-logement, l’objectif zéro sans-abri est réaliste, avec des moyens, un échéancier, en orientant à cette fin l’action politique. L’Union européenne a adopté, en février dernier, un plan qualifié d’ambitieux. Plus de sans-abri en 2030. «Cest un jalon, une forme didéal, pour se dire quon est tous portés par un objectif commun», commentait, à l’époque, Emmanuelle Wargon, la ministre française déléguée au Logement. 2030. Et maintenant?

 

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