Quel tumulte politicien ! Quelle
inhumanité à gorge déployée ! 234 exilés ballottés au gré des humeurs de
la mer trois semaines durant parce qu’un pays qui s’est offert aux griffes
acérées de l’extrême droite a refusé à 43 reprises de les accueillir. Les
institutions européennes si bavardes pour imposer l’austérité ont observé un
silence d’or. Une Union européenne de 450 millions d’habitants qui a accueilli
à raison des dizaines de milliers d’Ukrainiens, mais qui aurait du mal à
recevoir 234 malheureux exilés ? Quelle farce ! D’ailleurs à trop
parler de ceux qui viennent du Sud comme des personnes « exilées »,
« migrantes » « immigrées », on en oublierait qu’il s’agit
d’êtres humains de chair et de sang, nos semblables, nos frères en humanité qui
fuient des guerres, des répressions, des famines, des inondations ou des
sécheresses. Cela ne compte pas pour les boutiquiers de la politique qui
veulent faire leur beurre sur le malheur des autres. Ils le font en désignant
aux pauvres des plus pauvres afin de camoufler l’éclat blafard des profits,
pourtant responsables de la situation des uns et des autres, ici comme là-bas.
Ces cracheurs de haine, ces obnubilés de
la fermeture se sont déchainés pour que le bateau de SOS Méditerranée n’accoste
ni dans un port italien ni dans un port français en dépit du droit à la mer,
inscrit dans la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine
en mer, celle des Nations Unies sur le droit de la mer ou des textes de l’Organisation
maritime internationale. Pour eux le droit international vaut pour la Russie.
Pas pour eux et leur égoïsme de classe. Et quand le gouvernement français y a
consenti, c’est à « titre exceptionnel », selon les fielleux et
sournois termes du ministre de l’Intérieur qui part à la « chasse aux
migrants » pour préparer sa candidature à la prochaine présidentielle.
Encore que les 234 malheureux affamés, assoiffés, malades pour beaucoup d’entre
eux, qui ont enfin mis pied à terre à Toulon seront répartis dans … 11 pays
européens. Pour cette cohorte de politiciens et de médias, le mot
« fraternité » élément essentiel de notre devise républicaine n’est
qu’un paillasson où ils déversent le venin du racisme et de la xénophobie pour
mieux prêcher leur adoration de la liberté totale de circulation du capital et
des marchandises. Ce sont précisément ces violences économiques et la guerre
que livrent les classes dominantes aux travailleurs et aux privés d’emploi du
monde entier qui produisent la misère et les bouleversements climatiques qui
chassent les êtres humains de leurs terres. Car, l’exil n’est pas un choix.
L’exil est toujours une douleur. L’exil est une violence. Il risque de
s’amplifier encore avec les crises alimentaires qui s’avancent du Yémen à la
Somalie, du Soudan à l’Afghanistan jusqu’à l’Éthiopie. L’exil n’est que le
résultat de la recherche de rentabilité maximale par les multinationales qui
organisent la concurrence entre tous les êtres humains du monde entier. Tant de
guerres dont on ne parle pas principalement motivées par l’accaparement des
richesses, la maîtrise stratégique de zones d’influence politique, le contrôle
des marchés stratégiques, l’implantation et la rentabilité de grands groupes
transnationaux dont le poids dépasse celui de certains États. Tant
d’exploitation forcenée de la nature et des êtres humains qui accélère les
bouleversements climatiques, détruit les écosystèmes et intensifie par voie de
conséquence les migrations.
De cela, les obsédés de la différence ne
parlent jamais. Et pour cause ! Pointer les causes et remonter à la source
des drames permettraient d’unifier tous les prolétaires du monde dans des
combats communs. Les mêmes qui refusent d’accomplir le plus élémentaire devoir
d’humanité à l’égard de personnes menacées de mort n’ont d’ailleurs pas un mot
pour les travailleurs surexploités vivant dans des conditions infâmes pour
construire les équipements de la Coupe du monde de football qu’ils commenteront
depuis leur salon. Mieux, ceux qui refusent de régulariser les travailleurs
sans papiers veulent désormais légaliser leur exploitation en autorisant des
quotas « d’immigration de travail » à titre temporaire. Autrement
dit, exploiter une main-d’œuvre sous-payée, corvéable à merci, pour augmenter
leurs profits et soumettre toujours plus les autres travailleurs aux salaires
de misère. L’humanité, c’est l’accueil, le respect du droit d’asile et
l’intégration de tous les salariés dans les droits des conventions collectives.
Pour les droites extrêmes et leurs compagnons d’extrême-droite, le migrant
reste une marchandise à exploiter, qui sert à faire se soulever les pauvres
contre plus pauvres qu’eux pendant que le capital se régale. Tel est leur vil
objectif, ici et ailleurs : détourner les colères, désigner l’autre comme
l’ennemi pour protéger les violences de la mondialisation capitaliste qui donne
toujours plus de valeur à la marchandise qu’à la vie humaine. On ne fait pas
reculer cette peste brune en reprenant ses slogans inhumains. Mais, est-ce la
volonté du pouvoir et des intérêts qu’il sert ? Non, l’extrême droite est
devenue une pièce maîtresse du dispositif politique général pour sauver le
système. On ne peut se soustraire au mouvement du monde, ni aux exigences
d’humanité. Répondre aux défis migratoires revient à répondre aux inégalités
structurelles du monde et aux bouleversements climatiques en cours, à élargir
aussi la bataille pour le désarmement. C’est, du même mouvement,
substituer à ce monde de compétition un monde de paix et de coopération en
posant les bases d’un co-développement, un développement commun social, humain,
solidaire, démocratique, environnemental. Un monde où le travail et la
création, l’égalité dans le travail et la juste rémunération de celui-ci pour
chacune et chacun, seraient autant d’exigences que l’on pourrait résumer
par celle d’une « juste vie au monde ».
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