mercredi 23 novembre 2022

« L’odieux business du médicament », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



Nos vies ne valent pas plus que leurs profits. Les mastodontes de l’industrie pharmaceutique, dont le chiffre d’affaires annuel oscille en moyenne entre 50 et 70 milliards d’euros, dominent la fabrication de la majorité des médicaments dans le monde. En dépit des scandales révélés au grand jour par la pandémie de Covid, les Big Pharma ont toujours les mains libres pour agir en toute impunité, jusqu’à pouvoir décider, in fine, des politiques de santé des gouvernements.

Le cas du médicament Sovaldi est emblématique. Traitement très efficace contre l’hépatite C, la molécule qu’il contient, le sofosbuvir, avait suscité en 2013 un immense espoir pour lutter contre cette maladie qui tue 700000 personnes chaque année dans le monde. Espoir rapidement douché par la rapacité du laboratoire américain Gilead. Protégé par un brevet, le Sovaldi est vendu à un prix exorbitant, 41000 euros en France, privant de nombreux malades dun traitement qui pourrait pourtant leur sauver la vie! Devant un tel scandale, Médecins du monde avait lancé, en 2015, une procédure juridique pour casser ce brevet et permettre la production de génériques beaucoup moins chers. LOffice européen des brevets, basé à Munich, pourrait trancher ce mercredi sur l’annulation du brevet, ce qui représenterait une première victoire et enrayerait la toute-puissance des Big Pharma.

Cette décision est d’autant plus attendue qu’on ne pourra pas compter sur le pouvoir macroniste pour reprendre la main sur les labos. Au début de la pandémie, en mars 2020, le président de la République affirmait la main sur le cœur que la santé devait être «placée en dehors des lois du marché». On sait aujourd’hui ce qui fut de cette promesse, comme des mauvais traitements infligés à l’hôpital public et à l’ensemble de notre système de santé. La même année, trois sénatrices communistes présentaient une proposition de loi visant à créer «un pôle public du médicament et des produits médicaux». Rejetée. Celle de la députée insoumise Caroline Fiat avait connu le même sort. Deux ans plus tard, à la veille de l’hiver, faute d’avoir repris la main sur la production, la France vient d’annoncer une pénurie d’antibiotiques.

 

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