Une faillite prévisible ? Comment ne pas se poser la question au regard du
funeste destin de Camaïeu ? Mercredi,
le tribunal de commerce de Lille a prononcé la liquidation de la célèbre enseigne d’habillement féminin. Les
511 magasins ont baissé leur rideau ce week-end. 2 600 salariés se
retrouvent sur le carreau, et leur famille avec. Évidemment, les difficultés du secteur
textile ne sont pas nouvelles en France. Et la crise du Covid n’a rien arrangé avec les longues fermetures des boutiques. Mais dans cette affaire, les
dirigeants de l’entreprise auront du mal à tout mettre sur le dos de la
conjoncture économique. Et leur responsabilité – patente – dans ce
drame social ne doit surtout pas être esquivée.
L’histoire de Camaïeu est celle d’une dégringolade
aussi rapide que suspecte. Fondée en 1984, l’enseigne a été l’un des
distributeurs les plus rentables du secteur dans les années 1990, avant de
décroître les décennies suivantes. En 2020, après un premier redressement qui
éponge ses dettes, l’entreprise tombe dans l’escarcelle de l’homme d’affaires
Michel Ohayon, 104e fortune de France, spécialiste des reprises de
sociétés en capilotade (il a acquis les magasins Gap pour 1 euro symbolique).
Résultat ? Une
catastrophe. En à peine deux ans, ce Tapie 2.0 cumule 250 millions d’euros
de dettes et met la boîte à terre. Un crash abyssal. Et douteux. Tant personne
ne sait vraiment à quoi ont été employés les 228 millions d’euros de
chiffre d’affaires générés tout de même par le groupe fin 2021…
La CGT a déjà annoncé qu’elle allait entamer des
poursuites judiciaires « en responsabilité civile » à l’encontre des actionnaires de Camaïeu.
L’histoire n’est pas finie. Mais elle illustre déjà, à l’image de feu le groupe
Vivarte, les logiques de financiarisation d’entreprises où la priorité n’est
pas de mener à bien un projet industriel, mais de fabriquer une machine à cash.
Face à ce cynisme, le gouvernement ne peut se contenter, comme il s’y apprête,
d’accompagner les salariés. Il doit explorer et appuyer toutes les possibilités
de reprises sérieuses. Et pointer la responsabilité de ces dirigeants
d’entreprise qui jouent au Monopoly sur le dos de milliers de salariés.
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