« J’ai toujours
dit que je tenais ma légitimité du président de la République et de la
première ministre, et d’eux seulement », affirmait récemment Éric Dupond-Moretti. Ce lundi 3 octobre 2022,
quelques jours à peine après cette déclaration, la France a donc connu un coup
de tonnerre inédit dans son histoire politique, donnant aux mots du ministre de
la Justice un caractère éclatant de vérité : oui, sa légitimité ne tient plus que par la grâce de l’exécutif… En effet,
comme cela était prévisible puisque l’intéressé lui-même ne
cachait pas qu’il en avait la « quasi-assurance » et qu’il n’entendait pas démissionner, le garde
des Sceaux sera bel et bien jugé par la Cour de justice de la République (CJR)
pour « prise illégale d’intérêts ». Une première – et un résumé de « l’ère » Jupiter.
Jamais un ministre en poste n’avait été renvoyé en procès devant cette juridiction d’exception.
L’ancien ténor du barreau, alias « Acquitator », est soupçonné d’avoir profité de sa nomination à la
chancellerie pour régler ses
comptes avec des magistrats, sur fond de différends quand il œuvrait comme
avocat. Une accusation gravissime dans notre République. Le parquet général de
la Cour de cassation estimait depuis mai qu’il existait des « charges suffisantes », ce que confirme de manière brutale le réquisitoire définitif : « M. Dupond-Moretti a pris un intérêt consistant
à engager un processus disciplinaire contre des magistrats avec lesquels il
avait eu un conflit en tant qu’avocat. (…) Avocat pénaliste reconnu,
M. Dupond-Moretti ne pouvait ignorer l’existence d’un conflit d’intérêts. »
L’étau se resserrait autour du protégé d’Emmanuel
Macron. En pleine connaissance de cause, le ministre, dont les relations avec
la magistrature sont notoirement difficiles, fut pourtant reconduit à son poste
dès le premier gouvernement Borne, symbole du changement de doctrine de
l’Élysée en matière d’exemplarité et d’éthique politique. Contrairement à
Bayrou, Rugy, Delevoye ou Abad, désormais un ministre doit quitter ses
fonctions seulement après avoir été condamné… sauf, murmure-t-on dans
l’entourage du chef de l’État, si la pression s’avère trop forte. En l’espèce,
n’avons-nous pas dépassé ce stade, et depuis longtemps ?
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