mardi 13 septembre 2022

« Un peu… », le billet de Maurice Ulrich.



L’agent secret Lemmy Caution, qui se fait passer pour un journaliste du quotidien Figaro-Pravda, arrive à Alphaville après une traversée intersidérale. «Votre voyage sest bien passé?» s’enquiert une hôtesse d’accueil. «Oh, dit-il, le silence de ces espaces infinis m’a un peu effrayé.» Tout est dans le «un peu» qui, sous l’apparence d’une cocasse banalité, restitue le vertige de la célèbre citation de Pascal «le silence de ces espaces infinis meffraie»Alphaville est un faux film de science-fiction, réalisé en 1965 (ours d’or à la Berlinale). Godard y reprend le personnage de détective créé par Peter Cheyney, joué par Eddie Constantine, multipliant les clins d’œil et les citations en contrebande, renvoyant à Borges, Bergson, Orwell… La ville, entièrement régie par un superordinateur conçu par Leonard von Braun, ne fait aucune place aux sentiments. Mais Lemmy Caution lit à la fille de von Braun, Natasha (Anna Karina), des poèmes de Capitale de la douleur, d’Éluard. La pensée, la culture, la poésie et l’amour, qui déroute l’ordinateur, triomphent du monde totalitaire. Ainsi soit-il.

 

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