Exsangues financièrement après une décennie
d’austérité subie, les collectivités locales ne peuvent faire face à
l’inflation des prix du gaz et de l’électricité. L’édile de Montataire,
Jean-Pierre Bosino, menace de ne pas payer une note en hausse de 317 %.
«Quand on est maire, ce n’est pas un très bon exemple
de refuser de payer ses factures. » La charge est signée de la première ministre,
Élisabeth Borne, jeudi 1er septembre, à l’encontre du maire de Montataire (Oise). En début de semaine, Jean-Pierre Bosino avait dégainé un communiqué de presse dans lequel il se disait prêt à ne pas payer la facture
d’énergie de sa commune, pour l’année à venir, en hausse de 317 %. « Où allons-nous trouver la différence de 1,9 million d’euros ? » s’interroge l’élu. Car l’édile communiste se
refuse non seulement à sabrer dans les dépenses communales, mais aussi à
augmenter les impôts locaux. Un cri d’alarme qui illustre le désarroi des élus
locaux face à la flambée des prix de l’énergie. Selon André Laignel, vice-président
PS de l’Association des maires de France (AMF), l’inflation devrait peser
au total pour « plus de 7 milliards d’euros » dans les caisses des communes et
intercommunalités.
« Les 36 000 maires de France sont concernés, tout le monde est inquiet, voire tétanisé », relate Christine Bost. L’édile PS d’Eysines en Gironde a vu son budget
énergétique croître de 93 %… pour le
seul premier semestre 2022. Une dépense supplémentaire
chiffrée à 500 000 euros « au minimum ». Loin d’avoir attendu les consignes de l’exécutif
pour planifier des économies d’énergie, la municipalité d’Eysines avait pris
les devants, en coupant notamment l’éclairage de la voirie entre 1 heure
et 5 heures du matin, depuis 2018. À Strasbourg, les sept musées
municipaux devront fermer deux jours par semaine. Le contrat de gaz de la
collectivité arrivé à son terme, la municipalité a dû, sous pression de la
flambée des coûts des matières premières et de la spéculation boursière, acheter
cet hydrocarbure à un prix « en hausse de près de 500 % », selon Syamak Agha Babaei. Au total, si la capitale
alsacienne ne réalise pas d’économies d’énergie, la facture énergétique
pourrait s’envoler de 240 millions. « C’est impossible et infaisable », poursuit l’élu aux finances strasbourgeois (apparenté EELV).
Des « engagements médiatiques »
Depuis l’application de la loi Nome de 2010, qui a
libéralisé le secteur de l’énergie, les collectivités doivent passer par des
appels d’offres pour se fournir en gaz et électricité. « Le fond du problème est que l’entreprise EDF est obligée de revendre à 50 euros le mégawatt à ses concurrents… pour que les fournisseurs privés lui fassent ensuite concurrence, déplore Jean-Pierre Bosino. C’est un manque à gagner de
8 milliards pour EDF, qui se répercute notamment dans la maintenance des
centrales nucléaires. » Le communiste, tout comme l’AMF, réclame le
droit aux collectivités territoriales d’accéder aux tarifs réglementés de
l’énergie. « Une mesure accordée aux entreprises », rappelle André Laignel.
Une proposition qu’a rappelée l’AMF lors d’une réunion
de travail préparatoire au budget 2023, avec l’exécutif, jeudi. « Nous attendons par ailleurs du gouvernement qu’il indexe la dotation générale de fonction (DGF) à l’inflation, rapporte le vice-président de l’AMF, ce
qu’exclut pour l’heure Bercy, comme lors des cinq dernières années. » Samedi dernier, Élisabeth Borne avait annoncé un « fonds vert » de 1,5 milliard d’euros pour accompagner
les collectivités locales dans la transition écologique. Selon André Laignel,
l’enveloppe devrait comprendre « 600 millions d’euros de recyclage » provenant d’autres crédits et seulement
900 millions « d’argent frais pour de l’investissement ». Une goutte d’eau alors que les collectivités
investissent à elles seules, chaque année, 50 milliards d’euros. « Nous sommes malheureusement habitués aux engagements médiatiques qui finissent en queues de cerises. Mais nous attendons de voir
les modalités d’attribution des crédits », prévient Patrice Bessac.
Le maire PCF de Montreuil a, lui aussi, vu ses
dépenses d’électricité (+ 25 %) et de gaz (+ 40 %) décoller. Soit
un total de 1,3 million d’euros « au minimum », en attendant la renégociation annuelle. Pour le plan
de sobriété ? « La réflexion est en cours. Mais la vraie solution durable est d’avoir les
financements pour l’isolation thermique des bâtiments », insiste-t-il. Des dépenses qui s’ajoutent à la facture Covid pour les
collectivités, tout comme à la hausse du point d’indice des fonctionnaires. « Une chose juste », pour l’édile communiste, mais « non compensée » par l’exécutif. Un coût à la charge de la
municipalité de Montreuil de 2,3 millions d’euros supplémentaires,
auxquels s’additionnent la hausse de la nourriture pour les cantines scolaires
et les devis de chantiers publics. « Si rien n’est fait, nous serons contraints de réduire les services communaux », alerte Patrice Bessac. L’objectif non avoué du
gouvernement ?
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