vendredi 2 septembre 2022

Pour les maires, la facture est amère. (Naïm Sakhi)



Exsangues financièrement après une décennie d’austérité subie, les collectivités locales ne peuvent faire face à l’inflation des prix du gaz et de l’électricité. L’édile de Montataire, Jean-Pierre Bosino, menace de ne pas payer une note en hausse de 317%.

 

«Quand on est maire, ce n’est pas un très bon exemple de refuser de payer ses factures.» La charge est signée de la première ministre, Élisabeth Borne, jeudi 1er septembre, à lencontre du maire de Montataire (Oise). En début de semaine, Jean-Pierre Bosino avait dégainé un communiqué de presse dans lequel il se disait prêt à ne pas payer la facture d’énergie de sa commune, pour l’année à venir, en hausse de 317%. «Où allons-nous trouver la différence de 1,9 million deuros?» s’interroge l’élu. Car l’édile communiste se refuse non seulement à sabrer dans les dépenses communales, mais aussi à augmenter les impôts locaux. Un cri d’alarme qui illustre le désarroi des élus locaux face à la flambée des prix de l’énergie. Selon André Laignel, vice-­président PS de l’Association des maires de France (AMF), l’inflation devrait peser au total pour «plus de 7 milliards deuros» dans les caisses des communes et intercommunalités.

«Les 36000 maires de France sont concernés, tout le monde est inquiet, voire tétanisé», relate Christine Bost. L’édile PS d’Eysines en Gironde a vu son budget énergétique croître de 93% pour le seul premier semestre 2022. Une dépense supplémentaire chiffrée à 500000 euros «au minimum». Loin d’avoir attendu les consignes de l’exécutif pour planifier des économies d’énergie, la municipalité d’Eysines avait pris les devants, en coupant notamment l’éclairage de la voirie entre 1 heure et 5 heures du matin, depuis 2018. À Strasbourg, les sept musées municipaux devront fermer deux jours par semaine. Le contrat de gaz de la collectivité arrivé à son terme, la municipalité a dû, sous pression de la flambée des coûts des matières premières et de la spéculation boursière, acheter cet hydrocarbure à un prix «en hausse de près de 500%», selon Syamak Agha Babaei. Au total, si la capitale alsacienne ne réalise pas d’économies d’énergie, la facture énergétique pourrait s’envoler de 240 millions. «Cest impossible et infaisable», poursuit l’élu aux finances strasbourgeois (apparenté EELV).

Des «engagements médiatiques»

Depuis l’application de la loi Nome de 2010, qui a libéralisé le secteur de l’énergie, les collectivités doivent passer par des appels d’offres pour se fournir en gaz et électricité. «Le fond du problème est que lentreprise EDF est obligée de revendre à 50 euros le mégawatt à ses concurrents pour que les fournisseurs privés lui fassent ensuite concurrence, déplore Jean-Pierre Bosino.  C’est un manque à gagner de 8 milliards pour EDF, qui se répercute notamment dans la maintenance des centrales nucléaires.» Le communiste, tout comme l’AMF, réclame le droit aux collectivités territoriales d’accéder aux tarifs réglementés de l’énergie. «Une mesure accordée aux entreprises», rappelle André Laignel.

Une proposition qu’a rappelée l’AMF lors d’une réunion de travail préparatoire au budget 2023, avec l’exécutif, jeudi. «Nous attendons par ailleurs du gouvernement quil indexe la dotation générale de fonction (DGF) à linflation, rapporte le vice-président de l’AMF, ce qu’exclut pour l’heure Bercy, comme lors des cinq dernières années.» Samedi dernier, Élisabeth Borne avait annoncé un «fonds vert» de 1,5 milliard d’euros pour accompagner les collectivités locales dans la transition écologique. Selon André Laignel, l’enveloppe devrait comprendre «600 millions deuros de recyclage» provenant d’autres crédits et seulement 900 millions «dargent frais pour de linvestissement». Une goutte d’eau alors que les collectivités investissent à elles seules, chaque année, 50 milliards d’euros. «Nous sommes malheureusement habitués aux engagements médiatiques qui finissent en queues de cerises. Mais nous attendons de voir les modalités dattribution des crédits», prévient Patrice Bessac.

Le maire PCF de Montreuil a, lui aussi, vu ses dépenses d’électricité (+ 25%) et de gaz (+ 40%) décoller. Soit un total de 1,3 million deuros «au minimum», en attendant la renégociation annuelle. Pour le plan de sobriété? «La réflexion est en cours. Mais la vraie solution durable est d’avoir les financements pour l’isolation thermique des bâtiments», insiste-t-il. Des dépenses qui s’ajoutent à la facture Covid pour les collectivités, tout comme à la hausse du point d’indice des fonctionnaires. « Une chose juste», pour l’édile communiste, mais «non compensée» par l’exécutif. Un coût à la charge de la municipalité de Montreuil de 2,3 millions d’euros supplémentaires, auxquels s’additionnent la hausse de la nourriture pour les cantines scolaires et les devis de chantiers publics. «Si rien nest fait, nous serons contraints de réduire les services communaux», alerte Patrice Bessac. L’objectif non avoué du gouvernement?

 

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