Quelle vie que celle de Mikhaïl Gorbatchev : dirigeant
de l’une des deux superpuissances incontestées au milieu des années 1980, il signa l’arrêt de mort de l’URSS et condamna tout un système né d’une espérance sans précédent dans l’histoire. Homme de réforme plein
d’audace pour ses contemporains, qui mit fin à la guerre froide et entreprit de
faire changer de base le socialisme, il subit ensuite les affres de
l’impopularité, ses concitoyens le tenant pour responsable de la liquidation
sinon d’une utopie, du moins des acquis d’une Révolution au passé glorieux.
L’histoire ne dira jamais si le destin de Gorbatchev
et de l’Union soviétique eût pu être différent. Mais celui des millions de femmes
et d’hommes qui agissent pour changer le monde en a été chamboulé. L’URSS a
disparu, et il n’y aura pas de retour en arrière. Les révolutionnaires sont
tenus au devoir d’invention d’un projet d’émancipation répondant aux conditions
et aux objectifs du XXIe siècle, qui n’ont rien à voir avec le contexte
de 1917 ou même de la perestroïka de 1985.
Mais, si l’échec de Gorbatchev a mis à bas un système
politique, il n’a pas éteint l’espoir que l’homme du Kremlin incarnait à
l’époque pour la société soviétique et pour les peuples du monde. Au-delà de la
question toujours posée du sens concret de ses réformes – allèrent-elles
dans le sens d’une démocratisation du socialisme ou bien dans celui de
concessions au capitalisme, jusqu’au point de non-retour ? –, cet espoir d’alors est celui, à ce jour
inabouti, d’une société qui conjugue la fin de l’exploitation avec les
libertés pleines et entières. Cette visée a survécu à l’implosion
de l’URSS, voire s’est renforcée de l’échec patent du capitalisme à faire
mieux que le socialisme. C’est bien cependant ce dernier, à force de sclérose
et d’autoritarisme, qui a étouffé la seule tentative de l’humaniser
– printemps de Prague excepté –, et non l’inverse. Le socialisme du
XXe siècle est mort. Reste le communisme, qui n’existe nulle part encore,
si ce n’est par bribes. « L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur
des accomplissements, écrivait
Jean Jaurès, mais elle justifie l’invincible espoir. »
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