mardi 16 août 2022

« Nous sommes Rushdie », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Il a opposé à la fureur sans fin des fanatiques sa volonté de renouer avec la vie normale. Du moins en apparence, sachant que, pour l’auteur des Versets sataniques, après trente ans d’épreuve d’une clandestinité imposée et d’une protection permanente, aucun retour à la normale n’est possible. Chaque sortie publique est un acte de résistance à la tyrannie et à l’intolérance, un défi à ceux qui ont voulu enterrer vivant Salman Rushdie avec leur fatwa.

Partout où il s’exprime, le romancier livre bataille contre l’obscurantisme et l’ignorance avec ses seules armes d’écrivain, mais quelles armes: ses mots, les mots du rire et de la poésie, de la fantaisie et de l’érudition. Ces mots qui font si peur à ceux qui veulent anéantir toute liberté­ de penser et de créer qu’ils ont projeté de les faire taire pour de bon. Des mots contre d’autres mots: ceux qui ont armé le bras de lassaillant, vendredi. Des mots pour tuer, prononcés par layatollah iranien Khomeyni longtemps avant la naissance de lagresseur de Salman Rushdie, mais dont la portée dévastatrice intacte a fini par pénétrer et asservir la raison d’un jeune homme de 24 ans.

Tous nos espoirs se tournent vers la guérison de Salman Rushdie, mais ne nous y trompons pas: il nest pas lunique cible du couteau assassin. À travers l’auteur des Versets, les libertés démocratiques de toutes et tous sont à nouveau visées, après l’attentat qui a frappé l’équipe de Charlie Hebdo à Paris en 2015 ou celui qui a coûté la vie à Theo Van Gogh à Amsterdam en 2004. Ironie du sort, c’est un citoyen américain, né aux États-Unis, qui a frappé sur le sol américain, montrant l’inanité des murs aux frontières pour se préserver du danger islamiste. Le fondamentalisme n’a ni couleur, ni pays, ni papiers, il prospère dans les plis du désordre du monde. Cette force obscure a réussi à porter un méchant coup à Salman Rushdie, mais elle n’a pas vaincu sa méthode: seuls le savoir, la liberté dexpression, la paix, la non-violence peuvent unir les peuples contre la barbarie. Aujourdhui comme hier, nous sommes Rushdie.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire