Il a opposé à la fureur sans fin des fanatiques sa
volonté de renouer avec la vie normale. Du moins en apparence, sachant que,
pour l’auteur des Versets sataniques, après trente ans
d’épreuve d’une clandestinité imposée et d’une protection permanente, aucun
retour à la normale n’est possible. Chaque sortie publique est un acte de
résistance à la tyrannie et à l’intolérance, un défi à ceux qui ont voulu
enterrer vivant Salman Rushdie avec leur fatwa.
Partout où il s’exprime, le romancier livre bataille
contre l’obscurantisme et l’ignorance avec ses seules armes d’écrivain, mais
quelles armes : ses mots, les mots du rire et de la poésie, de la fantaisie et de l’érudition. Ces mots qui font si peur à ceux qui veulent anéantir toute
liberté de penser et de créer qu’ils ont projeté de les faire taire pour de bon. Des mots contre
d’autres mots : ceux qui ont armé le bras de
l’assaillant, vendredi. Des mots pour tuer, prononcés par l’ayatollah iranien Khomeyni longtemps avant la naissance de l’agresseur de Salman Rushdie, mais dont la portée
dévastatrice intacte a fini par pénétrer et asservir la raison d’un jeune homme
de 24 ans.
Tous nos espoirs se tournent vers la guérison de
Salman Rushdie, mais ne nous y trompons pas : il n’est pas l’unique cible du couteau assassin. À travers l’auteur
des Versets, les libertés démocratiques de toutes et tous sont
à nouveau visées, après l’attentat qui a frappé l’équipe de Charlie
Hebdo à Paris en 2015 ou celui qui a coûté la vie à Theo Van Gogh à
Amsterdam en 2004. Ironie du sort, c’est un citoyen américain, né aux
États-Unis, qui a frappé sur le sol américain, montrant l’inanité des murs aux
frontières pour se préserver du danger islamiste. Le fondamentalisme n’a ni
couleur, ni pays, ni papiers, il prospère dans les plis du désordre du monde.
Cette force obscure a réussi à porter un méchant coup à Salman Rushdie, mais
elle n’a pas vaincu sa méthode : seuls le savoir, la liberté d’expression,
la paix, la non-violence peuvent unir les peuples contre la barbarie. Aujourd’hui comme hier, nous sommes Rushdie.
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