L’opération militaire lancée vendredi sans aucune
raison a fait déjà 32 morts, dont 6 enfants. Elle se poursuivra « aussi
longtemps que nécessaire », selon le
premier ministre israélien, Yaïr Lapid.
Sans scrupule, Israël a lancé vendredi une offensive
aérienne contre la bande de Gaza. Il ne s’agissait pas de répliquer à des tirs
en provenance du territoire palestinien, comme l’ont expliqué les autorités
israéliennes, mais de procéder à une « attaque préventive », après l’arrestation, en début de semaine dernière, en Cisjordanie occupée,
du responsable du Djihad islamique, Bassem Saadi. Le Djihad islamique a
confirmé la mort d’un de ses chefs, Tayssir Al Jabari. « L’ennemi sioniste a commencé cette agression et doit s’attendre à ce que
nous nous battions sans relâche. (…) Il n’y aura aucune trêve après ce
bombardement », a
déclaré le secrétaire général de l’organisation, Ziad Al Nakhala.
Dimanche, plus de 30 Palestiniens avaient été
tués, dont 6 enfants. De son côté, le Djihad islamique, directement visé,
a déclenché plusieurs salves de roquettes vers Israël et plus précisément
Tel-Aviv et Jérusalem. La plupart auraient été interceptées par le système « Dôme de fer ». Selon des sources israéliennes, samedi, une
vingtaine d’Israéliens ont été légèrement blessés, alors qu’ils fuyaient vers
des abris. L’unique centrale électrique de Gaza a fermé samedi, en raison d’un
manque de carburant au troisième jour du bouclage complet de l’enclave
palestinienne. Ce qui n’a pas empêché le premier ministre israélien, Yaïr
Lapid, d’avertir dimanche que l’opération militaire dans la bande de Gaza se
poursuivra « aussi longtemps que nécessaire ».
Pourquoi Israël frappe maintenant ?
Les raids menés contre la bande de Gaza ne sont pas
isolés. Ils se produisent alors que, depuis plusieurs mois maintenant, les
opérations de répression de toute résistance palestinienne s’intensifient,
notamment en Cisjordanie. La politique israélienne d’occupation s’amplifie,
voire s’aggrave, avec la tenue prochaine d’élections générales. Dans un pays où
le curseur n’est plus simplement à droite mais largement à l’extrême droite, le
vainqueur sera celui qui se montrera le plus déterminé à faire taire les Palestiniens. « Toute personne qui essaye de faire du mal à Israël doit le savoir : nous vous trouverons », a lancé Yaïr Lapid.
Israël s’est clairement lancé dans une fuite en avant
qui a deux aspects. Le premier est bien sûr l’occupation elle-même avec son corollaire,
la colonisation, qui s’alimentent l’une et l’autre et, de fait, renforcent le
poids des colons dans la société israélienne et surtout dans la vie politique.
Protégés par l’armée, ces derniers se déchaînent contre toute présence
palestinienne. À Jérusalem-Est occupée et annexée, ces mêmes colons multiplient
les provocations sur l’esplanade des Mosquées. À la Knesset (le parlement), ils
sont de plus en plus puissants.
L’occupation se renforce donc. La signification
politique est sans équivoque et c’est le deuxième aspect de cette fuite en
avant : malgré les déclarations,
Israël ne veut pas de la création d’un État
palestinien. Il considère, de fait,
la Palestine historique comme son propre territoire. Il doit donc mettre en
place un système de gestion des populations dont les droits ne
seront pas les mêmes selon qu’elles soient juives ou non. En Cisjordanie, les
colons dépendent des lois civiles israéliennes, les Palestiniens des lois
militaires. En Israël même, depuis l’instauration de la loi État-nation,
devenue une des lois fondamentales faisant office de constitution du pays (qui
n’en possède pas), le droit à l’autodétermination n’est garanti qu’au peuple
juif comme il est inscrit. De plus, les Palestiniens d’Israël ne peuvent
acquérir des terres. Ce qui a amené de nombreuses organisations internationales
(Human Rights Watch et Amnesty International) et israélienne (B’Tselem) à
dénoncer un régime d’apartheid mis en place en Israël. C’est un mode
d’organisation de l’État, donc, qui n’est pas consubstantiel à l’existence même
de cet État.Cette nouvelle phase de l’occupation israélienne, couplée à un
manque de perspectives politiques côté palestinien, peut ouvrir la voie à de
multiples scénarios.
Quelles sont les réactions
internationales ?
Si la rapporteure spéciale de l’ONU pour les
territoires palestiniens, Francesca Albanese, a qualifié l’opération militaire
israélienne d’ « illégale, immorale, irresponsable », l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Tom Nides,
considère, lui, qu’« Israël a le droit de se défendre ». De son côté, l’Union européenne (UE) dit suivre avec une « vive inquiétude » les événements dans la bande de Gaza, mais se
garde bien de prendre position, renvoyant dos à dos l’occupant et l’occupé,
l’armée israélienne et le peuple de Gaza sous blocus israélien depuis quinze
ans, appelant une fois de plus toutes les parties à un « maximum de retenue » afin d’éviter une nouvelle escalade.
« Israël a le droit de protéger sa population civile, mais tout doit être fait pour empêcher un conflit plus large, qui affecterait avant tout les populations
civiles des deux côtés et entraînerait de nouvelles victimes et davantage de
souffrances », a même
insisté Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Josep
Borrell. Ce qui ne l’empêche pas d’ajouter : « Ces derniers événements soulignent une fois
de plus la nécessité de restaurer un horizon politique et d’assurer une situation durable à Gaza. » Comment ? La question ne sera pas posée, il n’y aura donc pas de réponse.
Que peut-il se passer dans les semaines à venir ?
Au mois de mai, l’année dernière, Israël avait cru
pouvoir mater la révolte dans les territoires palestiniens qui se cristallisait
autour du quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, et l’opposition à
l’éviction des habitants pour y installer des colons. Une véritable étincelle
qui s’était propagée dans l’ensemble de la partie orientale de la ville occupée
puis en Cisjordanie, à Gaza et dans les zones peuplées par ceux qu’on appelle,
à tort, les Arabes israéliens, c’est-à-dire les Palestiniens qui sont restés
sur place lors de la création de l’État d’Israël, en 1948. Pour la première
fois en plusieurs décennies, les Palestiniens brisaient les murs, les
frontières et tout ce qui les séparait pour retrouver leur histoire commune.
Leur passé mais aussi leur avenir. D’autant que la jeune génération, celle
qu’on appelle « génération Oslo » puisque née au moment des accords, cherche sa propre voie. Là se trouve peut-être la
clé de la solution au Proche-Orient.
L’émotion suscitée par les derniers bombardements sur
Gaza pourrait aboutir à un même mouvement qui, de protestation, se muerait en
une véritable exigence politique. Ce qui ne serait pas sans conséquences. On
n’en est pas là, d’autant que le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, est,
pour l’heure, dans la modération. Le mouvement islamiste a appelé, dimanche, la
communauté internationale à prendre des mesures urgentes pour « arrêter l’agression israélienne en cours contre la bande de Gaza » tout en mettant en garde contre ce qui pourrait mener
à une situation « incontrôlable ». De son côté, la présidence de l’Autorité
palestinienne demande à la communauté internationale de forcer Israël à « mettre fin à son agression contre notre peuple partout, en particulier à Gaza, et à lui fournir une protection internationale ». Une frappe sur un site du Hamas, et la retenue serait reléguée au rayon des
accessoires, permettant à Israël de se présenter comme agressé par des forces
soutenues par l’Iran.
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