jeudi 28 juillet 2022

« Dépassement », l’éditorial de Christophe Deroubaix dans l’Humanité.



À partir d’aujourd’hui, l’humanité vit à crédit. C’est le fameux «jour du dépassement». De plus en plus établi dans les consciences, il contribue à modeler les termes du débat ­public. Mais, «en même temps», il est instrumentalisé par ceux qui n’agissent pas, ou peu, ou en tout cas pas assez, et qui en profitent pour faire étalage d’une volonté de papier mâché.

Dans la dernière livraison du Journal du Dimanche, Agnès Pannier-Runacher, ministre en charge de la patate chaude, a tapé du poing sur une table qui en tremble encore: «La clim, portes ouvertes, ce nest plus acceptable !» «Couper le wifi la nuit» ou «Ne pas envoyer un e-mail le soir avant daller se coucher» ont trouvé de la compagnie.

Si seulement on pouvait sortir la planète du chaudron dans lequel elle est plongée avec ces petits gestes du quotidien, nul doute que des centaines de millions d’humains s’y prêteraient de bonne grâce. Mais il faut bien plus. Plus précisément, il faut une action d’une autre nature que la simple addition des bonnes volontés et pratiques individuelles.

Créateur d’inégalités, le changement climatique est surtout le produit des inégalités. Selon un rapport d’Oxfam et Greenpeace, rendu public en début d’année, 63 milliardaires français émettent autant de CO 2 que 50 % de la population.

À titre d’exemple, Bernard Arnault est allé faire trempette, dimanche dernier, dans la Méditerranée. Un aller-retour à bord de son jet privé. Six tonnes de CO2 dépensées, soit 2500 fois plus que le même trajet en TGV. On compte sur Emmanuel Macron pour le rappeler à la «sobriété».

Autrement formulé: la lutte pour le changement climatique devra endiguer, voire refouler l’accumulation de capital ou… elle ne sera pas. Les inactifs économiques s’avèrent aussi être des inactifs climatiques. Lorsque la Macronie, gardienne fébrile d’un système dépassé, refuse d’augmenter la fiscalité sur les mégaprofits qui sont en train d’être annoncés, elle commet une double faute: contre la justice sociale et contre la planète.

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