EXTRÊME DROITE Tout à sa volonté de
normalisation, le Rassemblement national compte en réalité une palanquée de
députés sulfureux : cathos anti-IVG, adeptes de la violence, antisémites... banalisés par la Macronie.
Gênés aux entournures. La remise en cause du droit à l’avortement par la Cour suprême des États-Unis, avec ses répercussions françaises (lire page 5), revêt quelques conséquences inattendues : elle remet notamment en lumière la véritable nature du parti de Marine Le Pen. Le parti qui vient d’envoyer 89 députés à l’Assemblée nationale entend bien poursuivre le processus de « normalisation », mais cette remise en cause de l’IVG renvoie le Rassemblement national à sa réalité, malgré les efforts de Marine Le Pen et de ses proches pour se donner une image de défenseurs des femmes. « On ne va pas se mêler des affaires des autres », a réagi le néodéputé et ex-journaliste à LCI Philippe Ballard, tentant de noyer le poisson. En guise de poisson, il s’agit plutôt d’une baleine : de nombreux élus du RN sont de féroces militants anti-IVG, malgré les dénégations de Marine Le Pen, pour qui « le RN n’a jamais attenté au droit des femmes à recourir à l’IVG ». En 2012, la même utilisait l’expression « avortement de confort », qu’elle voulait dérembourser. Y compris au début de l’année, où elle assumait de ne pas rembourser « l’IVG, (qui est) un acte qui peut être évité ».
Parmi les nouveaux députés, une partie défend des
positions ultraréactionnaires à ce sujet. À commencer par Caroline Parmentier,
l’attachée de presse de Marine Le Pen, à qui cette dernière a offert une
circonscription sur mesure dans le Pas-de-Calais. Rédactrice durant vingt-cinq
ans au journal catholique traditionaliste Présent, elle y
écrivait en 2018 qu’ « après avoir “génocidé” les enfants français à raison de 200 000 par an, on doit maintenant les remplacer à tour de bras par des migrants ». L’élue du Var Laure
Lavalette avait signé en 2014 une tribune demandant à « abroger à terme le droit à l’avortement ». L’extension du délai de
l’IVG de 12 à 14 semaines, en mars, avait donné lieu à des déclarations
ignobles. Comme celle du député du Vaucluse Hervé de Lépinau, qui le
comparait « aux génocides arménien et rwandais, à la Shoah, aux crimes de Daech ». Le vote
de la constitutionnalisation de l’IVG risque de donner lieu à quelques
contorsions à l’extrême-droite de l’Hémicycle.
Anciens militants, tendance « FN de papa »
Pourtant, la Macronie poursuit son entreprise
consistant à renvoyer dos à dos le RN et une partie de la gauche, notamment la
France insoumise. « La FI et le RN sont sur le même plan », a à
nouveau assené le député Gilles Le Gendre, toujours cadre de LaREM, contribuant
ainsi à normaliser de nouveaux députés aux profils pourtant inquiétants.
Plusieurs sont d’anciens militants, tendance « FN de papa », comme Frédéric Boccaletti, un proche de Le Pen père. Il
avait ouvert à Toulon en 1997 une librairie aux ouvrages antisémites et
négationnistes, nommée Anthinéa, en hommage au titre d’un livre de Charles
Maurras. Il avait été condamné en 2000 pour violences en réunion avec arme lors
d’une altercation raciste lors d’un collage d’affiches. Il s’en prend
régulièrement aux migrants, « animés d’un égoïsme exacerbé doublé d’une lâcheté honteuse », écrivait-il
en 2016. Registre judiciaire toujours, mais plus récent : le 22 juin, une plainte a été déposée par le
journaliste Djaffer Ait Aoudia à l’encontre de Lionel Ferlaud, un avocat proche
du député RN de Draguignan (Var) Philippe Schreck (lire notre article sur
humanite.fr). L’avocat aurait menacé le journaliste d’envoyer « (ses) amis corses pour (lui) régler (son) compte », à cause d’un portrait caustique de M. Schreck, qualifié d’ « ami de longue date ».
Une vingtaine des nouveaux élus d’extrême droite sont
des inconnus, y compris pour l’équipe dirigeante autour de la cheffe du RN, qui
craint des débordements et veille à les encadrer en choisissant leurs
collaborateurs parlementaires. Mais beaucoup sont d’abord des militants
aguerris, issus de toutes les chapelles de l’extrême droite. Parmi eux la jeune
garde de Marine Le Pen : Jean-Philippe Tanguy (Somme, candidat du RN à la
présidence de la commission des Finances), Thomas Ménagé (Loiret) et Alexandre
Loubet (Moselle), anciens cadres de Debout la France, le mouvement de Nicolas
Dupont-Aignan. Et il y a les proches de Marion Maréchal, Christophe Bentz
(Haute-Marne) et Pierre Meurin (Gard) : les trois ont cofondé l’Issep, l’école lyonnaise de formation des cadres d’extrême droite. Ces deux élus sont également passés par le mouvement de Philippe de Villiers, et Pierre Meurin a rejoint un
temps la campagne d’Éric Zemmour.
Et puis, au-delà des profils sulfureux, il y a les
textes que le RN veut porter au Palais-Bourbon. À commencer par « le premier que nous présenterons », dixit Marine Le Pen : la proposition de loi « visant à combattre les idéologies islamistes ». Déposé
au bureau de l’Assemblée dès février 2021, ce texte prévoit l’interdiction
des « tenues islamistes » dans l’espace public,
ce qui ferait de la France une exception mondiale, puisque burkini, voile ou
djellaba sont indistinctement visés. Une loi totalement anticonstitutionnelle,
tout comme la seconde priorité que veut porter le RN dans l’Hémicycle : « la priorité nationale » – comme Jean-Marie Le Pen en 1986 – et
la « lutte contre l’immigration ». Sur ce
dernier point, il n’est pas impossible que le RN se trouve quelque convergence,
comme c’est le cas sur le plan fiscal, avec la majorité.
Guerre d’Algérie Pendant ce temps-là, à
Perpignan…
Les nostalgiques de l’Algérie française ont désormais
leur festival, ou presque. Du 24 au 26 juin, s’est tenu à Perpignan
(Pyrénées-Orientales), seule ville de plus de 100 000 habitants
dirigée par le RN, le 43e congrès national du Cercle algérianiste, consacré à « l’œuvre
coloniale » et à « l’apport de la
France en Algérie ». Le maire de la ville catalane, Louis Aliot, a pour l’occasion versé 100 000 euros à cette
association qui regroupe ex-partisans de l’Algérie française et autres nostalgiques de la colonisation. Et promis d’inaugurer une place au nom de Pierre Sergent, responsable
d’actes terroristes pour l’OAS. En réaction, la gauche locale organise un
contre-festival, Nostre Mar, qui début ce lundi jusqu’au 3 juillet.
L’historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite, en est le
coorganisateur.
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