Dans l’immédiat après-guerre, la Commission centrale
de l’enfance, créée par l’Union des juifs pour la résistance et l’entraide, va
permettre à des milliers d’enfants, brisés par la guerre, de se reconstruire
dans des patronages et des colonies de vacances.
LAÏQUE ET PROGRESSISTE, 1945-2020, DE SERGE BIANCHI, ZOÉ GRUMBERG, JOSEPH KASTERSZTEIN, ÉDITIONS LE CHERCHE-MIDi.
Au lendemain de la Shoah, des femmes et des hommes
juifs, animés par leur idéal communiste, leurs origines et leur culture, ont
entrepris de rendre aux enfants leurs rires après des années de larmes et de
profonds traumatismes. Ces femmes et ces hommes, réunis au sein de l’Union des juifs
pour la résistance et l’entraide (Ujre), fondée en 1943 par des membres de la
section juive de la Main-d’œuvre immigrée (MOI), ont activement participé à la
recherche des enfants juifs cachés dans des familles durant les heures noires
de la Seconde Guerre mondiale, et dont les parents, pour la plupart, ont été
exterminés dans les camps.
Mais cela restait insuffisant aux yeux de ces
résistants de la première heure. Dès avril 1945, ils décident de fonder la
Commission centrale de l’enfance (CCE), avec pour ambition de créer des foyers,
des patronages et des colonies. Des milliers d’enfants vont ainsi
bénéficier de séjours nourris par la transmission de l’histoire et des
mémoires, l’éducation populaire, les valeurs laïques et humanistes. La pensée
des grands pédagogues progressistes va irriguer ces vacances d’un genre nouveau ; les
enfants y apprennent l’autogestion,
la citoyenneté et la solidarité. La culture et les sports collectifs y occupent une place de choix. Dans
ces lieux, filles et garçons découvrent la mixité : une véritable audace pour l’époque.
Dans un magnifique et très sérieux ouvrage fourmillant
d’archives et de témoignages, Serge Bianchi, Joseph Kastersztein et Zoé
Grumberg retracent l’incroyable épopée de la CCE, les ambitions politiques et l’esprit
novateur de l’Ujre. Leur livre, touchant et intelligent, démontre combien
l’action de cette organisation va profondément bouleverser plusieurs
générations d’enfants au parcours brisé, en leur permettant de grandir, de se
construire une identité, de se projeter.
« La mémoire n’est pas le retour du passé, c’est la représentation d’un passé que l’on recompose
à partir du présent (…) Dès l’instant où il y a eu autour de moi des actions, des récits, des émotions et des projets, j’ai découvert avec un étonnant
plaisir qu’être juif, ce n’était pas simplement mourir, c’était surtout habiter
une culture de rencontres et de récits qui me permettaient de comprendre
comment on peut se construire », raconte l’écrivain et psychiatre Boris Cyrulnik en évoquant ses souvenirs de
Stella-Plage, l’une des cinquante colonies de la CCE où des gamins comme lui
ont retrouvé le sourire.
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