jeudi 21 avril 2022

« Vingt ans », l’éditorial de Christophe Deroubaix dans l’Humanité.

 


«Putain, vingt ans...» En sinspirant des défunts Guignols de linfo, on pourrait accueillir ainsi le drôle d’«anniversaire» de la première qualification de lextrême droite pour le second tour dune élection présidentielle. Vingt ans après, le FN-RN en est désormais à sa troisième, et force est de constater quavril 2022 supporte mal la comparaison avec avril 2002. Après ce fameux et terrible 21 avril, une marée humaine avait déferlé sur la bien nommée place de la République, avant qu’une vague citoyenne ne submerge électoralement la candidature de Jean-Marie Le Pen dans les urnes. Après le 10 avril 2022, le climat est plutôt à tenter de convaincre des citoyens usés, ulcérés ou désabusés face à un nouveau «barrage», tout en se disant quil faudra bien sorganiser pour en éviter dautres ultérieurement.

Ce choc thermique raconte vingt années d’une banalisation dont on ne fera pas porter le fardeau aux Français eux-mêmes. «Le poisson pourrit par la tête», comme le dit le proverbe chinois. Le pays paie vingt années dexpériences dapprentis sorciers qui ont vu dans la puissance de lextrême droite une assurance tous risques pour réélection ou un vecteur d’audimat. Du ministère de l’Identité nationale de Nicolas Sarkozy à la supposée «mollesse» reprochée à l’héritière Le Pen par le ministre de l’Intérieur de droite d’un Emmanuel Macron qui promettait de faire reculer l’extrême droite, en passant par l’ignominieuse reprise par François Hollande de la déchéance de la nationalité, estampillée 100 % FN; des bandeaux sur les chaînes dinformation en continu «Marine Le Pen est-elle dextrême droite?» aux reportages people, de lÉlysée aux plateaux télé, les facilitateurs de la «dédiabolisation» étaient en costume-cravate ou tailleur, pas en bleu de travail ou blouse dinfirmière. Cela va beaucoup mieux en le redisant comme il eût pu être utile de répéter, ces vingt dernières années, ce proverbe créole, «Même poil, même bête», qui semble désormais éclairer quelques consciences. Il nest jamais trop tard.

 

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