vendredi 8 avril 2022

« Le sens de la démocratie », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Le poison du présidentialisme aura fait son œuvre sans relâche jusqu’aux dernières heures de la campagne. D’abord en promettant depuis des mois, par le jeu d’un mode de scrutin qui écarte les voix de dizaines de millions d’électeurs d’un tour à l’autre, la réédition du duel final de 2017 Macron-Le Pen, dont la majorité des Français ne veulent pas. Et même quand est apparue une lueur d’espoir de déjouer ce funeste scénario au second tour, que croit-on qu’il advint? La logique toxique du présidentialisme a repris le dessus, transformant l’espoir en chantage au «vote utile» pour des centaines de milliers d’électeurs de gauche.

Il n’y a que dans l’élection présidentielle française, qui allie scrutin majoritaire à deux tours et concentration des pouvoirs unique au monde entre les mains du vainqueur, que l’on peut trier les suffrages des électeurs pourtant égaux en droit entre votes «utiles» et ceux qui ne le seraient pas. Dans ce système, les soutiens des candidats crédités de moins de 15 % dans les sondages doivent rentrer dans le rang, sous peine d’être accusés de favoriser l’adversaire commun. Le moyen et la fin sont inversés: les querelles de tactique électorale prennent le pas sur ladhésion à un projet de société. Lextrême droite contre laquelle chacun se bat est constamment remise au centre du jeu, tandis que des électeurs convaincus de voter à gauche sont repoussés vers l’abstention plutôt que de se laisser dicter leur choix.

La candidature de Fabien Roussel fait au contraire le pari que c’est en retrouvant le sens de la démocratie que la droite et l’extrême droite reculeront. Nombre d’électeurs ont confié leur soulagement de voir leurs idées retrouver droit de cité avec Fabien Roussel comme porte-parole. Il est redevenu possible de débattre du mode de production énergétique dans le cadre de la lutte pour sauver le climat ou de donner de la noblesse au mot «populaire». Surtout, il est redevenu possible de parler de «Jours heureux». Lintérêt suscité par la campagne du candidat communiste montre que le pays et la gauche en ont grand besoin.

 

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