S’il fallait chercher, dans l’histoire du Front
national devenu Rassemblement national, la véritable mue opérée par le parti
des Le Pen, il faudrait peut-être regarder de plus près l’inversion de ses
pôles magnétiques de l’Atlantique à l’Oural. En trente ans, le parti est passé
du soutien à Reagan à celui de Poutine. La constante qui a servi de fil
conducteur entre l’Amérique ultralibérale et la Russie post-soviétique ? Un
anticommunisme héréditaire du père à la fille Le Pen, qui ne s’est jamais démenti d’une génération à l’autre.
Si, pour les Le Pen, la « menace » planétaire a changé de couleur, passant du rouge au vert de l’islam, voire à la palette
de la mondialisation culturelle, les affinités se tissent sur le même projet
politique mettant au cœur l’inégalité des
êtres humains. Après la fin de la guerre froide, le jusqu’au-boutisme
anti-pauvres, anti-État providence, antisyndical, pro-riches et, par voie de
conséquence, radicalement anticommuniste de Ronald Reagan qui faisait
l’admiration de Jean-Marie Le Pen, a été remplacé par le modèle autoritaire et
nationaliste version grand-russe. À Jirinovski, l’ami personnel de Jean-Marie
Le Pen qui rêvait d’établir une dictature « de la Finlande à l’Alaska », Vladimir Poutine a été préféré, car jugé plus respectable et moins sulfureux à l’heure de la
dédiabolisation du FN-RN. « Le soleil se lève à l’est », clamaient
alors les cadres lepénistes.
Mais le FN ne s’est pas contenté d’afficher des
positions pro-Poutine : à la différence du temps de Ronald Reagan qui ignorait qui était
Le Pen, de solides liens politiques et financiers ont été établis entre le
pouvoir russe et le parti de l’héritière du clan familial. À l’autre pôle de
l’extrême droite, Éric Zemmour n’est pas en reste. Ce sont ces liens qui
rattrapent aujourd’hui l’une et l’autre, à l’heure où Vladimir Poutine dévoile
au monde le fond de son idéologie : une société où les opposants,
qualifiés de « moucherons » à « recracher », sont pourchassés ; l’appel à la « purification naturelle » de la Russie par le bannissement des « nationaux-traîtres ». Zemmour et Le Pen ont beau s’en défendre : la parenté est établie avec
leur idéologie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire