mercredi 9 février 2022

« Tartufferie à la mode », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.

 


 Cachez ces chômeurs que je ne saurais voir! À lheure de dresser le bilan du quinquennat dEmmanuel Macron, une partie des commentateurs semblent s’accommoder de la dernière tartufferie à la mode. Tout le monde ou presque n’a d’yeux que pour les 3,3 millions de chômeurs de catégorie A, en baisse de 480000 sur un an, selon la comptabilité de Pôle emploi, et passe par pertes et profits les 3 autres millions qui font cortège dans les catégories suivantes (B, C, D, E) au bilan moins présentable. Le Monde, le Figaro, la Tribune, Challenges, pour ne citer qu’eux, l’ont chacun claironné: lembellie est historique; le président Macron a réussi là où son prédécesseur François Hollande a échoué. De là à parier sur sa réélection grâce à ce bilan, il y a un pas que l’on se gardera de faire. Ne serait-ce qu’en souvenir d’un certain Lionel Jospin, qui avait cru que le tassement de la courbe du chômage lui ouvrirait en grand les portes de l’Élysée en 2002. En oubliant que, derrière les chiffres, il y a des femmes et des hommes qui ressentent d’autant plus durement les discours optimistes que leur situation ne s’améliore pas… On connaît la suite. Mais revenons à 2022. La réalité, hélas, est beaucoup plus contrastée que la fable de la «job machine française» (sic) imaginée par un confrère encore plus zélé que les autres. Que lemploi ait redémarré vigoureusement en 2021, avec moins de fins de contrat et moins de licenciés après une année perdue pour cause de pandémie, le contraire eût été étonnant. Il s’agit pour l’essentiel d’un rattrapage. Mais d’autres signaux sont à scruter de près, comme la stagnation du nombre de chômeurs de longue durée (2,7 millions), de ceux de plus de 50 ans, et de ceux en activité partielle (les catégories B et C). Le rebond rime aussi avec précarité de l’emploi et mise en formation accélérée – un classique des périodes d’élections – qui concernent d’abord les jeunes, tout en les maintenant dans l’incertitude du lendemain. Sans compter les radiations de chômeurs par dizaines de milliers. À trop vouloir tricher sur le bilan, on risque de se mentir sur le climat social réel du pays. Et d’être surpris par les secousses électorales à venir.

 

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