Alors qu’Éric Zemmour crache sans arrêt sa haine sur
la Seine-Saint-Denis, l’Humanité a rencontré les habitants du
quartier de la Boissière. Le maire PCF, Patrice Bessac, lance un appel à « relever la tête ».
À 80 ans, Giorgio pétille d’énergie. Ce militant
du quotidien, cofondateur en 1989 de l’association Ensemble notre quartier,
s’implique toujours autant dans la vie de la Boissière, une cité populaire du
haut Montreuil. Les habitants viennent volontiers saluer ou boire un café aux
côtés de l’ancien ouvrier au café-restaurant la Baraka. Assis en terrasse,
celui que l’on surnomme « Geogeo » parle avec tendresse de la ville où il a grandi après avoir passé une partie
de son enfance en Italie, puis en Argentine.
Il raconte la solidarité qui unit les habitants de son
quartier, la Boissière, loin des clichés racistes véhiculés par Éric
Zemmour. « Qu’est-ce qu’il connaît de Montreuil ? De nos vies ? De notre quotidien ? Strictement rien. Il n’y a que les bourgeois qui parlent mal de notre ville. Eux, ils ne
connaissent rien au vivre-ensemble, au partage. » Avant de tirer sur sa cigarette roulée, il ajoute sur
un ton grave : « Ici, plein de personnes à la couleur de peau différente cohabitent. Ça, c’est la force de Montreuil. »
« Fier de notre ville »
Dans cette ville populaire de Seine-Saint-Denis, forte
de ses 100 000 habitants, Marine Le Pen n’a recueilli que 8,32 % au premier
tour de l’élection présidentielle de 2017. Le candidat Zemmour a peu de chance d’enregistrer un meilleur score, tant il diabolise les
quartiers populaires en les décrivant
comme des zones de non-droit où vit, selon lui, une « civilisation » revancharde sur les « Français de souche ». « On ne peut qu’être fier de la diversité et de la culture de notre ville, estime Nassera Definel, adjointe PCF déléguée à la vie des quartiers, aux
antennes de quartiers et à la médiation. Quand il dit que la
Seine-Saint-Denis, ce n’est pas la République, il se trompe, parce qu’à chaque
coin de rue il y a une école, un centre social. On se bat
pour ça. » Mercredi
9 février, un rassemblement a eu lieu, à l’appel de la municipalité PCF,
pour dénoncer sa venue. Des banderoles « #NousSommesLaFrance » ont été déployées sur le fronton de la mairie, et
l’édile communiste, Patrice Bessac, a lancé « l’appel de
Montreuil » devant plusieurs centaines de personnes, encourageant les habitants à
« relever la tête » pour défendre « la fraternité et l’égalité ».
Sur la grande place de la ville, on rencontre Nadine,
44 ans, mère célibataire. D’origine camerounaise, elle est naturalisée,
vit avec son petit garçon et se lève aux aurores tous les matins pour aller
travailler comme auxiliaire de vie pour 800 euros par mois. Une vie de
labeur et aujourd’hui de colère : « Zemmour dit que les immigrés ne travaillent pas, qu’ils profitent des aides sociales, c’est du grand n’importe quoi ! Je touche seulement les APL, soit 355 euros par mois, et je suis française désormais ! Quand on est une maman isolée, on a besoin de cet argent pour nourrir les enfants. » Le discours du candidat d’extrême droite sur l’immigration ? Elle le
vit comme une humiliation. « Il dit que nos enfants sont des violeurs, des voleurs,
des délinquants ! Vous imaginez ? Je suis obligée d’expliquer à mon fils que tout ceci est faux… »
Retour à la Boissière. Après l’école, des enfants
poussent la porte de la Baraka, Les petits y achètent des hamburgers, des
frites, à des prix dérisoires. Les anciens, eux, boivent un café en terrasse.
Franck Ewos, la quarantaine, connaît bien ce quartier, il y vit depuis une
dizaine d’années. Attablé, il narre les difficultés de son quotidien. Ce père
de famille vivant dans une HLM dénonce la hausse de l’électricité, des charges
locatives. « Avant on payait 76 euros par mois d’électricité, explique-t-il. Désormais,
c’est presque le double, 135 euros, c’est délirant. »
« Il faut que les élus nous écoutent»
Alors Éric Zemmour, ce n’est pas sa priorité. « Zemmour ne peut pas passer ici ! On perd notre temps à parler de lui, il vient clasher inutilement parce qu’on vit tous ensemble. Les gens ne le calculent pas,
ils se demandent comment finir les fins de mois. Et puis, beaucoup se disent
que leur quotidien ne va pas changer, qu’on vote Macron ou Zemmour. La seule
différence, c’est que la police va plus se lâcher sous Éric Zemmour. » L’employé
du café-restaurant, qui préfère rester anonyme, se joint à la discussion. « Y en a marre d’entendre ces conneries sur BFMTV ou CNews. Il faut qu’on soit enfin écoutés
par les élus, les politiciens. À ce moment-là, les choses pourront enfin
bouger. » Dans le fond de la salle, plus personne ne prête
attention à l’écran, où tourne en boucle BFMTV.
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