lundi 14 février 2022

« Importation ou exception ? », l’éditorial de Christophe Deroubaix dans l’Humanité.

  


Avec les autoproclamés «convois de la ­liberté», lextrême droite a trouvé un nouveau canal dexpression. Cest un fait indéniable à Ottawa, point de départ de ce mouvement qui se répand peu à peu à d’autres pays. Les principales figures de proue s’avèrent être de véritables cumulards de la conspi­ration: adeptes de QAnon – théorie selon laquelle une guerre secrète oppose Donald Trump à des élites ­pédophiles, cannibales et sataniques soutenues par l’État profond, les milieux financiers et les médias – et autres montages complotistes sur le surgissement de la pandémie de Covid et le vol de l’élection présidentielle états-unienne au détriment de Trump, quand ils ne sont pas purement et simplement des néonazis. C’est un fait également constatable à Paris. Les rassemblements de ce week-end, dans la capitale, ont charrié leur lot d’antivax primaires et de militants extrémistes totalement décomplexés. Florian Philippot y barbote avec contentement, tandis que son ancienne pythie, Marine Le Pen, sort les rames pour demander aux manifestants d’aller voter. Pour elle, il va sans dire.

Mais… en France, il y a un «mais». Les témoignages recueillis par nos journalistes dessinent un tableau plus complexe. Il y avait là, venus de Moselle, de Valenciennes ou de Nice, des opposants sincères au passe vaccinal (le gouvernement n’envisage-t-il pas d’y mettre fin d’ici à quelques semaines?) et aux restrictions sanitaires, des salariés aux revenus modestes ou moyens dont le modèle économique croule sous l’augmentation des prix de l’essence, de l’énergie et de la nourriture. Parmi ceux-ci, nombre d’entre eux furent du mouvement des gilets jaunes, éruption qui ébranla la Macronie sans tout à fait la faire dévier de sa trajectoire. Et si en France, à quelques semaines d’une élection présidentielle capturée par les «identitaires», les «convois de la liberté» devenaient aussi un canal dexpression pour la «question sociale», bouclant la boucle dun quinquennat dédié aux inégalités?

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire