jeudi 17 février 2022

« La faillite », l’éditorial par Patrick Appel-Muller dans l’Humanité.



Le mot fait peur à Emmanuel Macron. Sa déclaration de candidature se profile et le retrait des troupes françaises du Mali ­appose une tache de plus sur son bilan. Pourtant, il s’agit bien d’un échec, plus grave qu’un revers diplomatique. Il pourrait signer le déclin inexorable de la Françafrique, du pré carré de l’ancienne puissance coloniale sur le continent, des pressions de toutes sortes qui faisaient et défaisaient les gouvernements, des mallettes de billets qui achetaient les complaisances.

L’armée française a certes em­pêché une colonne de djihadistes de prendre Bamako, mais ces derniers ont étendu leur influence dans le Sahel, franchissant les frontières et s’ancrant dans des territoires toujours plus vastes. Pire, cet engagement est devenu majoritairement impopulaire dans la population, permettant à un quarteron de colonels putschistes de se maintenir au pouvoir, d’en appeler aux mercenaires russes de la force Wagner et de repousser à cinq ans des élections démocratiques.

L’intervention de nos troupes n’a pas failli pour des raisons de tactiques militaires mais sur ses fondements politiques. De gros intérêts, notamment pour les matières premières, pouvant aller jusqu’à la partition du pays, pèsent sur les décisions. L’impasse sur une véritable coopération, comprenant l’émancipation de l’Afrique francophone du carcan du franc CFA, la faiblesse de l’aide au développement, la protection d’élites avides ont conduit l’État malien à la faillite. Ni la poursuite du modèle néocolonial ni le repli sur l’Hexagone, pas plus que les bonnes intentions affichées sans suites réelles, ne répondent à ce qui demeure une responsa­bilité de la France. En ne rompant pas avec les schémas hérités des gaullistes et des socialistes, en imposant des systèmes libéraux à l’Afrique, Emmanuel Macron sape les fondements d’une relation riche avec le Mali et ses voisins.

Dans les jours qui viennent, nos soldats seront massivement disposés aux côtés du satrape Ouattara en Côte d’Ivoire. Belle image… Et un nouvel échec à venir.

 

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