La colère était très
forte dans le défilé parisien et dépassait largement des préoccupations liées à
la mise en œuvre des protocoles sanitaires pour mettre en cause l’action du
ministre de l’Éducation nationale.
Si Jean-Luc Godard était venu se promener sur le boulevard Saint-Michel
jeudi après-midi, il aurait été heureux de constater que le Mépris était
le blockbuster de ce 13 janvier. Jeanne a même collé l’affiche du film sur
la pancarte qu’elle brandit au milieu de la manifestation parisienne. Cette
enseignante en maternelle dans le 18e arrondissement de Paris dénonce « l’incohérence
des mesures prises pour lutter contre la pandémie. Le nouveau protocole ne
protège personne ». Surtout en maternelle, où les élèves ne sont pas
masqués et où « nous, enseignants, n’avons toujours que nos masques en
tissu ». Elle évoque un « ras-le-bol général depuis le début de la
crise sanitaire » face à un ministre qui « détruit l’école à
petit feu » et témoigne du « mépris » envers les
personnels.
« Le mépris », c’est bien le tube de l’après-midi, sur les pancartes, dans les slogans,
dans la bouche des responsables syndicaux comme dans celle des personnels de
toutes catégories qui défilent dans le Quartier latin. Où chacun s’empresse de
préciser que « nous ne faisons pas grève contre un virus ». « Nous
voulons des réponses sur le plan sanitaire, avec un protocole stable et qui
protège vraiment les élèves et les personnels, précise Marie-Hélène
Plard, directrice d’école et cosecrétaire du SNUipp-FSU en
Seine-Saint-Denis, mais nous attendons aussi des réponses sur le
reste. » Isabelle aussi veut des réponses. AESH (accompagnant d’élève
en situation de handicap) à Drancy depuis trois ans, elle est venue avec sa
fille : « Je suis reconnue personne vulnérable, je suis mère isolée, je
gagne 800 euros par mois… et je dois acheter mes masques, car sinon nous
n’avons eu que des masques-slips qui ne nous protègent pas ! »
Ceux qui voudraient circonscrire cette grève à un mouvement d’humeur
provoqué par une gestion maladroite de l’explosion des contaminations dues au
variant Omicron risquent d’en être pour leurs frais. « Le virus, c’est
Blanquer ! », c’est l’autre grand succès de la journée pour signifier que
oui, l’école est malade, que les élèves comme les personnels souffrent, mais
que le Covid n’en est pas la cause principale. Le responsable occupe la rue de
Grenelle depuis 2017. Prof de SVT à Noisy-le Grand, François veut ainsi « alerter
l’opinion publique sur notre ras-le-bol, notre fatigue depuis deux ans ». Dans
son collège, les élèves n’ont pas d’infirmière. Elle n’a pas été
remplacée, « alors que le taux d’incidence chez les 10-19 ans
atteint 5 900 dans le département ! Sur 640 élèves, on en a 300 qui sont
positifs ou cas contacts. On attend de vraies réponses, des moyens de
protection efficaces. On ne peut pas nous dire qu’il n’y a pas d’argent pour ça
quand, en deux ans, le ministre a rendu plus de 600 millions sur le budget
de l’éducation nationale ! ».
75 % de grévistes dans le primaire et 62 % dans le secondaire
« On a des élèves qui doivent attendre une heure, deux heures devant
l’infirmerie pour se faire tester », détaille Coline, AED (assistant
d’éducation) à la cité scolaire Voltaire, à Paris, qui a écrit sur son
masque « changeons d’air, virons Blanquer ! ». Elle se pose
des questions sur « la suite », tout comme Mona, conseillère
principale d’éducation au lycée Éluard, à Saint-Denis, qu’elle décrit « vétuste,
envahi par les rats ». Les suites, elles commençaient dès jeudi soir, Jean
Castex s’étant décidé à recevoir les organisations syndicales qu’il n’avait pas
daigné consulter avant d’annoncer la dernière mouture du protocole sanitaire.
La force de la mobilisation, avec 75 % de grévistes dans le primaire et
62 % dans le secondaire, selon la FSU, a sans doute fini par le
convaincre. Notons au passage que les chiffres du ministère de l’Éducation
nationale (respectivement 36,5 % et 23,7 %) sont faux, puisque
calculés sur une « photo » des grévistes à 8 heures, comptant ainsi les
absents et ceux qui commencent leur service après 8 heures comme… non
grévistes. C’est l’intersyndicale réunie ce vendredi soir qui décidera des
suites, alors que localement des assemblées générales ont déjà appelé à une
nouvelle journée d’action, le 20 janvier.
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