Dans la grisaille des mauvaises nouvelles sur le front sanitaire,
économique et social, surgit une lueur d’optimisme. Une victoire qui, une
nouvelle fois, fait la démonstration de la force des mobilisations et de
l’engagement. Une victoire qui vient d’où on l’attendait le moins : ceux que
l’on appelle les ubérisés. Ces travailleurs sous-payés, sans protection
sociale, sans statut sont utilisés comme l’étaient les tâcherons au
XIXe siècle.
Être à disposition en permanence, ne rien refuser sous peine de ne plus
travailler, accepter une rémunération en fonction de la demande… ils sont
quelque 24 millions dans l’UE. Pour nombre de théoriciens du libéralisme,
ils sont le futur des rapports sociaux. Des « travailleurs indépendants »
gérant eux-mêmes leur temps de travail, se fournissant leurs outils de travail,
jamais victimes d’accidents du travail et surtout seuls face à une plateforme
désincarnée. L’exploitation dans sa forme la plus aboutie, puisque œuvre du
travailleur lui-même. Pourtant, malgré l’isolement, la précarité, la
concurrence, ces travailleurs ont su se rassembler, s’organiser, s’allier avec
des centrales syndicales, porter leurs cas devant les tribunaux, obtenir des
jugements favorables, et tout cela, à l’échelle européenne. L’étape suivante,
c’est cette « présomption de salariat » qui va permettre de
possibles requalifications de la nature des emplois de ces travailleurs de
plateformes. Personne n’est dupe sur le nombre et l’intensité des luttes qu’il
reste encore à mener pour que cette « présomption » se
transforme en statut.
On connaît la formidable
capacité de dévoiement des victoires sociales par le capitalisme. Mais les
ubérisés ont déjà réussi à commencer à faire plier l’Europe du capital. Cette
victoire est non seulement un coup d’arrêt à la tentative de faire de
l’ubérisation le modèle de fonctionnement du monde du travail, mais elle peut
devenir un point d’appui pour tous ceux qui luttent pour l’amélioration de
leurs conditions de travail et qui portent une aspiration au dépassement de la
conception capitaliste du salariat.
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