C’est une zone tampon, une sorte de no man’s land de 3 kilomètres de
large, située à l’orée de la frontière longue de 400 kilomètres qui sépare
la Biélorussie de la Pologne. Sur ce territoire de barbelés, où Varsovie a
massé 15 000 militaires, 4 000 hommes, femmes et enfants – des
migrants irakiens ou syriens pour la plupart, désireux de gagner l’Union
européenne (UE) – se retrouvent pris au piège. Ces exilés dénués de tout
payent le prix fort d’une « guerre hybride », selon
l’expression de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der
Leyen, entre Minsk, Varsovie et Bruxelles, mais également la Russie et l’Otan.
Il est à craindre que la réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU,
convoquée hier à la demande de la France, de l’Estonie et de l’Irlande,
accouche d’une souris. Elle n’aura certainement aucun effet sur
l’instrumentalisation des flux migratoires à laquelle se livre le président
biélorusse, Alexandre Loukachenko, à la suite des sanctions que lui a imposées
l’UE. La réponse des Vingt-Sept, qui entendent prendre de nouvelles mesures de
rétorsion contre les dirigeants biélorusses, restera, elle aussi, sans
résultat. D’ailleurs, jusqu’à présent, elles se sont avérées
contre-productives. De son côté, Berlin espère que Vladimir Poutine intercédera
pour calmer le jeu. C’est sans compter sur le bras de fer qui l’oppose à
l’Alliance transatlantique dans cette région des plus stratégiques.
Le chantage aux migrants
est immoral, avilissant. Il renvoie aussi l’Europe à ses propres
responsabilités. Sa politique migratoire est un non-sens aux conséquences
tragiques. Aujourd’hui, elle fait corps autour des autorités polonaises,
préférant reléguer en arrière-plan ses profonds désaccords avec Varsovie afin
de protéger ce pilier majeur de l’Europe forteresse. Qu’importe si cet allié,
pourtant bien gênant, joue aussi avec les migrants pour claquemurer davantage
la Pologne dans un régime d’exception. Ces exilés risquent de mourir à tout
instant. Leur souffrance est une honte pour l’Europe. Une de plus.
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