samedi 23 octobre 2021

Abandonnez le pacte d'austérité (Patrick Le Hyaric)

 


Les traités de Maastricht puis de Lisbonne imposent aux Etats européens un carcan baptisé la « règle d’or », tel un principe fondamental, indépassable. Cette règle impose aux pays membre de l’Union européenne de ne pas dépasser 3% de déficit public et un taux d’endettement ne dépassant pas 60% des richesses produites (Produit Intérieur Brut). Si la dette d’un pays de la zone Euro, dépasse ce taux, il est tenu de réduire de 1/20ème la part de la dette supérieure à 60% de son PIB. Cet ensemble de critères, traduit dans les directives européennes, a été baptisé « pacte de stabilité et de croissance ».

Il s’avère être un pacte d’austérité qui agit comme un garrot sur les dépenses publiques utiles aux populations. Il pousse aux privatisations pour prétendument combler les déficits. Il encourage à tailler dans les systèmes de protection sociale et de retraite, à impulser des contre-réformes des droits du travail.

Face à la pandémie, afin de soutenir l’économie et les entreprises, d’autoriser le chômage partiel, et de bloquer des privatisations dont celle d’Aéroport de Paris, ce pacte a été gelé.

Le déficit public et la dette ont donc augmenté. Aujourd’hui, la dette des pays de la zone Euro atteint 100% des richesses annuelles produites.

Maintenant, la Commission européenne veut « dégeler » ces carcans. Mardi dernier, elle a déposé sur le bureau du Conseil européen et du Parlement européen, un document d’orientation visant à réactiver le pacte de stabilité.

Ces questions paraissent peut-être éloignées, pourtant elles ont tout à voir avec nos vies quotidiennes.

Il s’agit de nos services publics, des moyens financiers pour la santé ou l’école, des niveaux de rémunération dans le secteur public – qui peuvent avoir un impact sur les secteurs privés – des systèmes de protection sociale et des retraites.

Le remboursement des emprunts contractés par l’Etat et les entreprises ne peuvent servir de prétexte à de nouveaux tours de vis contre les familles populaires. Ce serait une funeste injustice, alors que les mêmes orientations européennes obligent à abaisser l’impôt sur le capital au profit d’une augmentation constante des impôts de consommation notamment la TVA.

Ceci explique d’ailleurs pourquoi le gouvernement refuse de diminuer les taxes sur l’énergie, particulièrement les taxes intérieures sur les produits pétroliers ou d’abaisser la TVA sur les produits de première nécessité. Il ne pousse pas non plus à l’augmentation de la rémunération du travail, conformément aux recommandations bruxelloises.

Dans les deux cas il préserve la rémunération et la structure du capital.

Augmenter les impôts indirects pour financer les réductions de fiscalité sur le capital et le protéger en empêchant une répartition de la valeur des richesses produites au détriment du travail.

Une partie de la Commission européenne est pour décider de la reconduction de ces orientations en 2023. D’ici là, ces règles obsolètes resteraient en vigueur. Or, elles sont terriblement dangereuses dans un monde bouleversé, et alors que des investissements considérables sont nécessaires pour la transition écologique et numérique, pour des processus nouveaux de développement humain par l’éducation, la formation, la garantie d’un travail pour chacune et chacun combinée avec des formations nouvelles accessible à toutes et tous, la recherche, pour la santé et un haut niveau de protection sociale dans toute l’Union européenne.

Un grand fond européen pour le progrès social et pour la transition environnementale abondée par la Banque centrale européenne, à taux d’intérêt nul ou par création monétaire supplémentaire, constituerait un atout pour changer la nature de la construction européenne pour améliorer la vie des travailleurs et des familles populaires.

La douloureuse période de ces derniers mois a démontré à quel point ce sont les pays à forte protection sociale qui ont pu le mieux protéger leur population. On le voit, le principe de concurrence libre et non faussée est antinomique avec le principe de solidarité. Il convient de se libérer et vite des injonctions des institutions européennes obligeant à « stimuler les réformes structurelles » qui n’est que l’autre nom pour compresser la rémunération du travail, repousser encore l’âge de départ en retraite, transférer la protection sociale aux assurances privés.

La dette est un outil économique et politique au service des marchés financiers qui grâce à elles se gavent sur le dos des travailleurs et des citoyens.

Elle est toujours l’argument pour faire accepter l’inacceptable. Des espaces de débat et de luttes pourraient s’ouvrir partout, dans les villages, les villes, les quartiers, les entreprises, pour imaginer le chemin de l’abandon de ce pacte de stabilité et de croissance.

 

Le débat présidentiel ne peut occulter la nécessité de détruire ces carcans qui font tant souffrir les peuples et enserrent les pays depuis trop longtemps.

Il s’agit ici d’un enjeu qui concerne la vie quotidienne de chacune et de chacun et l’avenir des générations futures.

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