« La liberté commence là où l’ignorance finit. » On ne sait si
Samuel Paty citait régulièrement cette maxime de Victor Hugo. Mais il est
certain que le professeur d’histoire-géographie, assassiné le 16 octobre
2020, la mettait en pratique chaque jour auprès de ses élèves. C’est cette
patiente volonté d’éclairer et d’émanciper qu’un gamin fanatisé, reprochant à
l’enseignant d’avoir montré des caricatures de Mahomet, a décidé de tuer ce jour-là.
La sauvagerie du geste a bouleversé toute la communauté éducative. Mais elle ne
l’a pas abattue. Un sondage vient de montrer que près de 90 % des
professeurs d’histoire n’ont pas renoncé à s’attaquer aux « sujets
sensibles ». Le plus bel hommage que l’on puisse rendre à Samuel Paty.
Malheureusement, ce courage, les professeurs ne le doivent qu’à eux-mêmes.
Un an après le traumatisme de l’acte terroriste, beaucoup éprouvent de la
rancœur vis-à-vis d’une hiérarchie et d’un ministre qui a beaucoup parlé et peu
agi. Les promesses de Jean-Michel Blanquer de renforcer l’enseignement moral et
civique n’ont débouché sur rien. Cette matière cruciale est toujours cantonnée
à une heure par semaine en élémentaire et une heure toutes les deux semaines au
lycée. Insuffisant. Seules mesures concrètes : le lancement d’une formation à
la laïcité pour les professeurs – comme s’ils avaient besoin d’un « mode
d’emploi » – et une campagne d’affichage « C’est ça la laïcité » qui s’est
surtout fait remarquer pour l’inconscient raciste qu’elle véhiculait. Maigre
bilan.
En vérité, sur ce sujet
si sensible, l’action de Jean-Michel Blanquer semble désormais dictée par des
préoccupations toutes personnelles. Comme en témoigne cette idée douteuse de
lancer son propre think tank sur les « valeurs de la République » en pleine
période d’hommages à Samuel Paty. Pas de quoi apaiser les professeurs. Eux
savent que le meilleur remède pour éveiller les consciences et l’esprit
critique est tout simplement de pouvoir enseigner dans les meilleures
conditions possibles. Le leur permettre devrait être la principale
préoccupation du ministre. Et serait la meilleure manière d’honorer la mémoire
de Samuel Paty.
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