jeudi 28 octobre 2021

« Bon retour au pays, « bochio » ! », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.

 



Ce sont des joyaux qui vont, enfin, retrouver leur écrin d’origine. Le 9 novembre, vingt-six œuvres, dont la magnifique statue « bochio » du roi Béhanzin, quitteront le musée du quai Branly pour s’en retourner au Bénin. On le sait, l’itinéraire de ces trésors est une affaire de spoliation. En 1892, en pleine guerre coloniale, le général français Dodds avait mis à feu et à sang l’ancien royaume du Dahomey, dans l’actuel Bénin, et pillé ces œuvres appartenant à Béhanzin, capturé et condamné à l’exil aux Antilles, puis en Algérie.

Comme toujours, l’histoire officielle s’est chargée de tordre les faits, de les réécrire, afin de repeindre le monarque africain en terrible sanguinaire. Quant à Dodds, il passait jusqu’alors pour un héros ; l’appartenance de ces artefacts au patrimoine national était présentée comme le fruit d’un généreux « don » du militaire.

Depuis la demande officielle de restitution formulée par les autorités béninoises il y a cinq ans, que de tergiversations sournoises sur de prétendues mauvaises conditions de conservation de ces objets dans leur pays d’origine ! En dérogeant à l’inviolabilité des collections des musées nationaux français, la loi d’exception de 2020 a permis de donner une réponse favorable à Porto-Novo. Mais l’absence de cadre juridique pérenne freine les procédures engagées par d’autres anciennes colonies.

Il n’y aura pas de relations apaisées, refondées avec l’Afrique tant que perdurera le séquestre de tout un patrimoine issu de la dépossession coloniale. Saluons à cet égard le travail remarquable de Felwine Sarr et de Bénédicte Savoy, auteurs en 2018 d’un important rapport sur la restitution de ces chefs-d’œuvre, et sans qui cet acte de réparation n’aurait pu voir le jour. Ils ont contribué à faire sauter les verrous politiques, idéologiques, mais aussi financiers, les collectionneurs privés voyant là une atteinte à leur butin. Le temps des razzias est fini : le retour de ces objets au pays natal s’inscrit dans le sens de l’histoire.

 

 

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