Sous le feu des
critiques des acteurs de l’environnement, le président de la République a
annoncé le classement en aires protégées de 5 % de l’espace maritime
français méditerranéen.
Sanctuariser 5 % de l’espace maritime français en Méditerranée d’ici à
2027, contre 0,2 % actuellement : c’est ce qu’a annoncé Emmanuel Macron,
le 3 septembre. Le président de la République est intervenu en ouverture
du congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN),
lequel réunit à Marseille et pendant une semaine États, ONG et experts du monde
scientifique.
Plus tôt dans la journée, le chef de l’État s’est payé une sortie au large
des Calanques pour évoquer le fléau des plastiques en mer, en compagnie de
Barbara Pompili, ministre de l’Écologie, et de son prédécesseur Nicolas Hulot.
Durant cette excursion, il a annoncé sa volonté de tenir un sommet
environnemental « One Ocean » fin 2021 ou début 2022. Ce rendez-vous
consistera « à mettre les scientifiques, les acteurs économiques, les
acteurs régionaux et les Nations unies autour de la table », a-t-il
déclaré. Face aux quelque 200 États et 1 100 ONG représentés au congrès de la
nature, le chef de l’État a poursuivi sur sa lancée, abordant ce qui sera l’un
des points clés mis en débat lors de la COP15 sur la biodiversité, laquelle
doit se tenir en avril à Kunming, en Chine.
Étape clé des négociations internationales sur la préservation du vivant,
celle-ci est appelée à se pencher sur l’objectif de couvrir en aires protégées
30 % des espaces terrestres et maritimes d’ici 2030, dont 10 % en
aires protégées strictes (interdites à toute activité humaine). Cinquante
États, dont la France, ont déjà dit défendre cette mesure. L’annonce d’Emmanuel
Macron se présente comme un encouragement aux récalcitrants à aller dans le
même sens. Elle est aussi un gage donné à des acteurs écologiques très
critiques vis-à-vis de son bilan en termes de protection de la biodiversité.
« Le sujet n’a pas été traité à sa juste mesure », a noté dans la journée
Nicolas Hulot, plaidant pour « une radicalité programmée » et
exigeant « un électrochoc ». « Emmanuel Macron a voulu se
positionner très fortement sur les questions environnementales et en
particulier climatiques », créant « de fortes attentes »,
rappelle pour sa part Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France.
En 2019, lors de la sortie du rapport de l’IPBES, plateforme de l’ONU
rassemblant des experts de la biodiversité, « le président a tenu des
discours qu’aucun président n’avait tenus avant lui sur les impacts de notre
modèle de développement pour la biodiversité », abonde Jean-David Abel, de
France nature environnement. Trois ans plus tard, aucun espoir n’a été
satisfait, soulignent unanimement les organisations environnementales.
Certes, toutes mettent au crédit de ce quinquennat l’abandon du projet
d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou celui du mégacomplexe commercial
d’Europacity. Mais toutes gardent aussi en travers de la gorge le revirement du
gouvernement concernant l’interdiction des néonicotinoïdes ou son peu
d’empressement à prohiber le glyphosate, deux produits phytosanitaires jugés
nuisibles pour le vivant.
Surtout, la biodiversité ne bénéficie « que de 0,25 % du plan
de relance », relèvent plusieurs ONG, « et seulement de
0,40 % du budget de l’État », souligne Pierre Cannet, du WWF France.
Dans une lettre ouverte, les syndicats de l’Office français de la biodiversité,
chargé de gérer des espaces protégés, déplorent « manquer cruellement
de personnels » et revendiquent une mise en cohérence des moyens avec
les ambitions.
Le gouvernement réfute les chiffres avancés et revendique à son actif une
stratégie nationale visant à inverser le déclin des espèces sur dix ans ou une
autre visant à lutter contre la déforestation causée à l’étranger par la
consommation de produits en France, tels que le soja ou l’huile de palme.
Toujours face au congrès de l’UICN, Emmanuel Macron a également tenté de
contrer les attaques en annonçant qu’il souhaite porter « une
initiative forte (…) de sortie accélérée des pesticides » à l’échelle
de l’Union européenne lorsque la France en aura la présidence tournante.
Peu de chance que cette
déclaration de bonne intention suffise à calmer les esprits. La décision
présidentielle de mettre sous aires protégées 5 % de l’espace français
méditerranéen est elle-même, pour l’heure, peu à même de le faire. Certes, ce type
de mesures de protection est fermement attendu, alors que les activités
humaines sont les sources principales des altérations portées à la nature. Mais
plusieurs ONG revendiquent qu’elles s’accompagnent d’une ligne rouge en termes
de protection des droits sociaux et culturels des populations vivant dans ces
zones protégées, singulièrement des peuples autochtones, susceptibles de se
voir interdits d’accès à leurs ressources (lire l’Humanité du
3 septembre). Le président n’a pas creusé le sujet. Il n’a, surtout, rien
dit des 95 % d’espaces restant ouverts à toute activité en Méditerranée.
Car, rappelle Pierre Canet, du WWF, à l’instar de nombreuses autres
organisations, « protéger une part d’espace ne servira à rien si on
laisse les autres être surexploités ». Et les ONG de revendiquer que
la France n’oriente plus un seul euro public vers des activités néfastes à la
biodiversité, telles que l’agriculture et la pêche intensives.
Un congrès pour quoi faire ?
Hors cadre onusien, le congrès de l’Union internationale pour la
conservation de la nature est un moment clé avant la COP15 de la biodiversité,
en avril 2022, en Chine. Jusqu’au 11 septembre, à Marseille, il réunit
États, agences et ONG. Qualifié d’ « événement environnemental le plus
important », il vise à s’accorder sur des résolutions, non
contraignantes. Mais qui ont déjà abouti à des conventions internationales :
celle de Ramsar sur les zones humides (1971) ou sur le commerce international
des espèces sauvages menacées d’extinction (1974) ou encore sur la diversité
biologique (1992). Pendant le congrès de Marseille, 19 motions doivent être
débattues. Ces textes, qui sont les plus importants, portent sur la protection
des lanceurs d’alerte, la prise en compte du point de vue des peuples autochtones,
la protection des océans, la biologie de synthèse ou encore la très critiquée
motion sur « la valeur de la nature ».
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