mercredi 1 septembre 2021

« Bascule », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité



Le patronat n’ouvre jamais le portefeuille de bon cœur quand il s’agit de parler salaires. Il faut qu’il soit parvenu au point où ne pas le faire risque de lui coûter plus cher, en pertes de chiffre d’affaires et de rentabilité, pour envisager d’infléchir le partage de la valeur ajoutée en faveur des travailleurs. Ce moment de bascule est proche. Dans certains secteurs en tension comme le BTP, la logistique, l’agriculture, les services à la personne ou la restauration, la pénurie de main-d’œuvre est telle que le patronat est au bord de la crise de nerfs. Ce n’est pas seulement le temps maussade qui freine le service en terrasse, mais une météo des recrutements au plus bas. À l’heure où les étudiants regagnent leurs amphis, les offres d’embauche languissent aux vitrines des cafés, tandis que les vendanges pourraient bien tourner au vinaigre si les saisonniers manquent à l’appel.

Partout, les jambes et les bras se font désirer dans ces métiers qui, en plus d’être difficiles, sont très mal payés. Alors que la reprise pointe son nez après une année de chômage forcé pour cause de pandémie, les candidats sont rares à accepter de se casser le dos pour des salaires de misère. Qui osera les blâmer ? Que celui qui n’a jamais ployé sous une hotte de 80 kilos de raisin ramasse la première grappe, avant de donner des leçons.

C’est une loi du capitalisme : les invisibles ne cessent de l’être qu’une fois qu’ils cessent de se sacrifier pour la bonne marche de la société. Ce qui, en soi, vaut tous les plaidoyers pour la revalorisation des salaires. Celle-ci ne saurait être payée sur les deniers de l’État, comme le souhaite le patronat déjà gavé d’aides publiques. Ni compter comme prix du silence sur tout le reste : les conditions de travail, la pénibilité, les cadences, la formation, la réduction du temps de travail… La Fête de ­l’Humanité des 10, 11, 12 septembre et la journée d’action intersyndicale du 5 octobre seront des moments forts pour en débattre et faire entendre les revendications incontournables.

 

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