Douleurs, tachycardie,
essoufflement, fatigue extrême, confusion mentale… gâchent la vie de centaines
de milliers personnes, plusieurs mois après leur infection par le coronavirus.
Un problème de santé publique majeur dont le gouvernement tarde à prendre la
mesure.
«Je ne pourrai pas vous parler plus de 40 minutes, c’est vraiment
le maximum. Au-delà, je n’ai plus d’énergie, je perds mes mots et deviens
confus », prévient Matthieu, porte-parole de l’association ApresJ20.
Atteint par une forme modérée du Covid en octobre 2020, cet ancien militaire et
grand sportif de 43 ans subit depuis dix mois des symptômes persistants et
très invalidants : tremblements permanents des membres, douleurs musculaires,
tachycardie… « Il n’y a pas vraiment de moments de répit, il y a juste
des moments où c’est pire : les jours où ma femme et mes enfants me voient dans
mon fauteuil roulant, c’est que je ne peux même plus me tenir debout », soupire
Matthieu, toujours dans l’incapacité de reprendre son activité professionnelle.
Il n’est hélas pas un cas isolé. Plus de 20 % des patients présentaient
encore des signes liés au Covid cinq semaines après la maladie et 10 % après
trois mois, rapportait la Haute Autorité de santé en février 2021. Soit
plusieurs centaines de milliers de personnes en France. Pourtant, parce qu’il
est mal documenté et que la communication auprès des généralistes fait souvent
défaut, le Covid long est fréquemment mal diagnostiqué. Les praticiens comme
les patients se trouvent désemparés face à des pathologies dont on évalue mal
les causes et l’évolution.
« J’ai tenu trois jours dans mon emploi et je me suis effondrée »
L’aggravation brutale et imprévisible de leurs symptômes surprend nombre de
malades. « Toutes les semaines, je suis complètement K.-O. au moins
deux ou trois jours. Alors, le mal de gorge et de tête, l’essoufflement et des
douleurs musculaires intenses s’ajoutent à une fatigue générale qui ne me
quitte jamais », témoigne Camille, 31 ans, qui ne s’est jamais
remise du Covid, contracté en novembre 2020.
« Il y a quelques jours, je me sentais mieux, presque normale. Je suis
allée marcher un peu pour prendre l’air. Le lendemain, je l’ai payé cash : je
pouvais à peine bouger. Même lever un bras était difficile », précise la jeune
femme à qui le médecin traitant a prescrit uniquement des séances de kiné.
Même si les malaises, post-efforts, après une activité intellectuelle ou
physique, sont répertoriés de longue date sur la liste des troubles post-viraux
(qui ne concernent pas que le Covid), ils restent ignorés par la plupart des
généralistes qui mettent l’asthénie des patients sur le compte d’un
« déconditionnement », c’est-à-dire d’une fonte musculaire liée au manque
d’exercice. Ils prescrivent quasi systématiquement des séances de
kinésithérapie. « Je ne nie pas l’importance de l’activité physique ni
l’utilité de la rééducation pour traiter le déconditionnement. Mais, pour les
patients qui ont une fatigue importante, qui font des malaises post- effort
typiques, ou qui présentent une intolérance orthostatique (qui ne peuvent tenir
debout plus de quelques minutes – NDLR), il faut avant tout une prise en charge
multidisciplinaire, et éviter de se précipiter sur une rééducation
à l’effort qui, dans la majorité des cas, aggrave l’état de ces patients », réagit
le Dr Alaa Ghali, qui a pris en charge des adultes et des enfants de 10 à
16 ans épuisés depuis des mois par le Covid au CHU d’Angers.
« Le pire, c’est de ne pas savoir si on va s’en sortir un jour », se désespère
Karyne. En recherche d’emploi, cette mère de famille d’une quarantaine
d’années, touchée par le Covid long ainsi que ses deux adolescents, a dû renoncer
à deux propositions de CDI depuis un an, car sa condition physique ne lui
permettait pas de travailler. « En juin dernier, j’ai tenu trois jours
dans mon nouvel emploi et je me suis effondrée, terrassée. Comme j’étais en
période d’essai, ils ne m’ont pas gardée », déplore-t-elle. « Mon
état est difficile à faire comprendre à mon entourage et à mes employeurs, car
je suis jeune et je n’avais aucun problème de santé avant le Covid ; du coup
j’ai essayé d’aller travailler même quand j’étais très faible, je pense que
cela n’arrange pas mon état », explique Camille, qui s’apprête, avec
un peu d’angoisse, à commencer un nouveau travail. « J’espère que je
vais tenir… »
Entre errance médicale et désintérêt du politique
Catherine, 64 ans, qui a eu le Covid à l’automne dernier, a du mal à
faire admettre à son entourage le fait qu’elle ne puisse pas se lever pendant
plusieurs jours. « Mes proches me regardent, perplexes, alors que je
suis enfoncée dans le canapé… On pourrait penser que je suis dépressive, mais
je sais que ce n’est pas le cas. Mon médecin traitant, très empathique, m’a
prescrit un anxiolytique quand je lui ai décrit les épisodes de brouillard
mental, de perte de mémoire et de difficulté à trouver mes mots. Je n’en prends
pas tout le temps mais je me dis que cel a peut m’aider à prendre
du recul par rapport à la maladie », rapporte Catherine.
De nombreux médecins prescrivent des antidépresseurs et des anxiolytiques,
persuadés que les symptômes de leurs patients atteints de Covid long sont
psychosomatiques. Certes, « cette situation a un impact sur la santé
mentale et engendre des troubles du sommeil, de l’anxiété, ou du stress », comme
le précise un rapport parlementaire de l’Office d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques rendu en juillet dernier. « Malheureusement,
beaucoup de généralistes et même des spécialistes prennent ces conséquences
pour la cause des troubles », regrette le porte-parole d’ApresJ20.
C’est donc l’errance
médicale et le sentiment de ne pas être crus qui domine chez les victimes de
Covid long. Faute d’être crus par leur médecin et cherchant désespérément des
informations sur leur état, ils se sont tournés en nombre vers les réseaux
sociaux pour obtenir écoute, conseils et partage d’expériences. L’association
ApresJ20 a été créée en octobre 2020 pour donner une forme juridique aux
groupes nés en ligne dès le mois d’avril. « Notre objectif est
désormais de peser auprès des autorités de santé, des politiques et du
gouvernement pour faire connaître et reconnaître le Covid long », explique
Matthieu, qui en est l’un des membres fondateurs. De fait, le Covid long est
bel est bien entré à l’Assemblée nationale, mais par la petite porte. Une
proposition de résolution portée par Patricia Mirallès, élue LaREM de
l’Hérault, « pour reconnaître officiellement le “long Covid” et appeler
le gouvernement à renforcer son action contre ses conséquences », a été
votée à l’unanimité par les parlementaires. Elle n’a, à ce jour, débouché sur
aucune mesure significative. « En revanche, pour faire voter et
promulguer la loi instaurant le passe sanitaire, cela a pris moins de quinze
jours, constate Mathieu . Cela prouve bien que le manque
d’intérêt pour le Covid long relève d’un choix politique. »
Quid du remboursement des soins ?
Depuis la mi-février 2021, le Covid long
est reconnu comme une pathologie par les autorités de santé. Un premier pas,
mais pour que les examens médicaux et les traitements des patients puissent
être pris en charge intégralement par l’assurance-maladie, les associations
demandent la reconnaissance du Covid long en affection de longue durée (ALD),
statut qui permet le remboursement automatique des soins à 100 %. La
décision est entre les mains du ministère de la Santé, qui peut saisir la Haute
Autorité de santé sur cette question, puis, en cas d’avis favorable, modifier
par décret la liste officielle des ALD, qui compte aujourd’hui trente
pathologies. En attendant, les patients peuvent tenter de faire reconnaître
leur Covid long comme ALD « hors liste », mais c’est plus aléatoire car les
demandeurs peuvent être déboutés.
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