mercredi 25 août 2021

« Notre France », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.

 


Le Rassemblement national est-il devenu la référence en matière de débat public ? Mardi matin, sur France Inter, c’est à Julien Odoul, élu RN de Bourgogne qui s’était distingué en prenant à partie devant des enfants une accompagnatrice de sortie scolaire portant un foulard, que l’on faisait appel pour commenter la question de l’accueil des Afghans. Sur LCI, interviewant Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, un journaliste avait cette phrase : « Faut-il accorder l’asile politique aux Afghans, en fermant les yeux sur ce qu’ils sont ? » Et d’enchaîner aussitôt : « Est-ce que, comme le dit Marine Le Pen, la sécurité des Français doit passer avant l’accueil des étrangers ? » Même tonalité sur Europe 1 face à Fabien Roussel…

Bien sûr. C’est que, parmi les réfugiés arrivés en France, cinq seraient suspects et l’un d’eux serait même convaincu d’avoir été proche des talibans. Voilà donc « ce qu’ils sont ». Il faut être juste. Si le Rassemblement national est en pointe, il est suivi de très près par la droite. Pour Éric Ciotti, qui ne fait pas dans la nuance, « nos propres avions de transport ne peuvent devenir le cheval de Troie des talibans. Le risque de cinquième colonne est là ». Mais, au fond, n’est-ce pas le président de la République lui-même qui avait tracé la voie, dès le soir de la chute de Kaboul, en mettant en garde contre des « flux migratoires irréguliers » ?

On ne résiste pas au désir de reprendre ici cette formule attribuée à Michel Audiard : « De tels airs de faux-culs, c’est presque de la franchise. » La simple réalité, c’est qu’il y a en France un consensus politique de la veulerie allant du pouvoir à l’extrême droite, et c’est peu dire car ce n’est que l’écume des choses. Il s’agit, sur le fond, d’une course à l’échalote à qui instrumentalisera le mieux, avec un cynisme achevé, les questions de l’immigration et, en l’occurrence, aujourd’hui, la question de l’accueil des Afghans. Le témoignage que nous publions dans nos pages d’un journaliste menacé nous fait mesurer toujours plus à quel point ces surenchères politiciennes relayées par une part des médias sont indignes. Notre France est celle de l’accueil.

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