Une pancarte anti-juifs
brandie à Metz a suscité l’émoi. Elle met en lumière les dérives d’une fraction
des anti-passe.
«Mais qui ? », interroge une jeune femme sur sa pancarte, deux cornes de diable ornant
la lettre « Q ». Avant de proposer une liste de « traîtres » coupables,
selon la militante, du passe sanitaire : « Laurent Fabius, Agnès Buzyn,
Gabriel Attal, George Soros, Rothschild, Jérôme Salomon, Jacques Attali. » Aperçue
dans le cortège des militants anti-passe à Metz (Moselle), le 7 août, la
saillie antisémite a indigné sur les réseaux sociaux, dans la presse. Jusqu’à
faire réagir le gouvernement et l’ambassade d’Israël en France. Le parquet de
Metz a annoncé ouvrir une enquête. Interpellée le 9 août, la femme en
question est Cassandre Fristot, 33 ans, ancienne cadre du FN et ex-cheffe
de cabinet de Louis Aliot lorsque celui-ci était vice-président du parti. Après
s’être fâchée avec la direction du parti, celle-ci l’a quitté avant de
rejoindre le Parti de la France, fondé par des anciens frontistes.
Si cette pancarte a fait des remous, ce n’est pas la première fois qu’un
fond de sauce antisémite est épinglé au sein de l’hétéroclite mouvance
anti-passe. Le slogan « Qui ? » – sous-entendu les juifs – a
ainsi fleuri sur les réseaux sociaux comme en manifestation. Tout est parti
d’une interview, sur CNews à la mi-juin, de la baderne à la retraite Dominique
Delawarde, signataire de la tribune des généraux factieux dans Valeurs
actuelles. Sous-entendant que quelques-uns contrôlent la « meute
médiatique », le militaire s’était vu demander de préciser sa pensée. « Qui,
mais qui ? », avait alors répété en plateau Claude Posternak (membre de
LaREM), avant que Delawarde ne lâche, sans ambiguïté : « La communauté
que vous connaissez bien. » La fachosphère et ses déclinaisons
anti-mesures sanitaires, de façon ironique, se sont ensuite saisies de ce « qui ? » pour
en faire un étendard antisémite. On l’a vu éclore sur les boucles Signal et
Telegram, par lesquelles communiquent certains groupes anti-passe et antivax,
car ces réseaux sociaux sont beaucoup plus permissifs que Facebook ou Twitter.
Avant, donc, d’apparaître en manifestation.
Ce fond rance se
développe dans un contexte d’importante confusion entourant le mouvement,
certains manifestants arborant une étoile jaune, dans une comparaison abjecte
entre la Shoah et le passe sanitaire (parfois renommé « passe nazitaire »).
Comble de l’ironie, des opposants comparant Macron à Hitler se retrouvent
parfois côte à côte avec des militants d’extrême droite affirmant qu’il y a la
main des juifs derrière la pandémie et le vaccin. S’il s’agit, encore heureux,
d’un phénomène encore marginal au sein du mouvement, l’indifférence polie d’une
grande partie des manifestants anti-passe face à ces dérapages antisémites,
elle, a de quoi inquiéter. Signe, là encore, que dans le brouillard ambiant,
beaucoup ont perdu leur boussole politique et morale.
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