Emmanuel Macron n’aurait
pas renoncé à allonger la durée de la vie professionnelle, malgré l’absence de
justification économique. Explications.
À ce niveau-là, ce n’est plus de l’ardeur mais de l’acharnement. Malgré
l’opposition des syndicats et de l’opinion publique ; malgré la crise sociale
qui menace toujours ; malgré les réticences de plusieurs députés de la
majorité, la réforme des retraites pourrait faire son grand retour avant la
présidentielle. C’est ce qu’affirment certains médias, à la suite des Échos du
28 juin. Difficile de savoir s’il s’agit d’un énième ballon d’essai ou
d’une intention ferme et définitive, mais Emmanuel Macron, qui doit recevoir
les syndicats et le patronat ce mardi, hésiterait entre plusieurs scénarios.
Première option, un recul de l’âge légal de départ, de 62 ans aujourd’hui
à 64 ans. Seraient concernées la génération née en 1961 (qui
partirait à 62 ans et demi), puis celles de 1962 (63 ans), 1963
(63 ans et demi) et, enfin, celle de 1964 (64 ans). Gain
financier espéré : 14 milliards d’euros dès 2026.
Autre option, l’accélération du calendrier de la réforme Touraine
de 2014, qui porte progressivement la durée de cotisation pour une
retraite à taux plein de 41 annuités et trois trimestres aujourd’hui à
43 annuités en 2032.
Dans tous les cas, c’est bien un allongement de la durée du travail qui
serait programmé.
1/ UNE RÉFORME INUTILE
Depuis des années, la justification d’un tel recul tient en une
phrase : « il faut sauver un régime au bord de l’implosion. » Problème :
l’argument ne tient pas la route et c’est le Conseil d’orientation des
retraites (COR) lui-même qui le dit, dans son rapport annuel de
juin : « Malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement
progressif de la population, les évolutions de la part des dépenses de retraite
dans le PIB resteraient sur une trajectoire maîtrisée à l’horizon 2070. » En
effet, le vieillissement de la population serait compensé par la baisse
programmée du niveau des pensions rapportée aux revenus d’activité : en clair,
ces dernières augmenteraient moins vite que les salaires, du fait des réformes
précédentes (indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires
à partir de 1987, hausse de la CSG, etc.).
Résultat logique, le poids économique des retraites dans le PIB
diminuerait, passant de 14,7 % l’an dernier à 13,7 % environ d’ici à 2030,
et jusqu’à 11,3 % seulement en 2070 (fourchette basse de l’estimation) ou
13 % (fourchette haute). Autrement dit, même si le déficit du régime s’est
creusé sous le choc de la crise actuelle, ce trou d’air n’est que temporaire.
2/ UNE RÉFORME INJUSTE
L’allongement de la durée d’activité entraîne toujours des effets pervers.
Il renforce tout d’abord les inégalités liées à l’espérance de vie : les
ouvriers vivant en moyenne six ans de moins que les cadres (l’écart est de
trois ans chez les femmes), ils profiteront moins de leur retraite.
Par ailleurs, lorsqu’on allonge la durée d’activité, on prend le risque
d’augmenter la précarité des seniors, met en garde l’économiste Michaël
Zemmour : « Il semble que le gouvernement veuille reculer l’âge légal à
un rythme très brutal : six mois de plus par an, c’est inédit à ma
connaissance. Or, quand on déplace l’âge légal, cela a pour effet d’accroître
la précarité des personnes âgées. En effet, la moitié des personnes qui
prennent leur retraite ne sont plus dans l’emploi à ce moment-là, soit parce
qu’elles ont perdu leur poste, soit pour des raisons de santé.
Elles peuvent alors se retrouver au chômage, au RSA ou en situation
d’inactivité, etc. »
La réforme Fillon de 2010 (augmentation de deux ans de l’âge
d’ouverture des droits, à raison de quatre puis cinq mois par an entre les
générations 1951 et 1955) s’est bien traduite par une augmentation du
chômage des seniors. Selon l’Insee, la probabilité de se retrouver sans emploi
à 60 ans s’est accrue de 7 points pour les hommes (à 0,11 %) et de
6 points pour les femmes (à 0,10 %) à l’issue de la réforme.
« Le gouvernement veut concentrer ses économies sur les personnes qui se
retrouvent aujourd’hui aux portes de la retraite, souligne Michaël
Zemmour. Ce sont des personnes qui, pour certaines, sont à deux ans du
départ et qui seraient condamnées à patienter six mois de plus, alors même
qu’elles ont déjà des projets. »
3/ UNE RÉFORME impopulaire
Pour l’exécutif, la bataille de l’opinion est (très) loin d’être gagnée :
66 % des Français se disent toujours opposés à un recul de l’âge de départ à la
retraite, dont 72 % des 50-64 ans, selon un récent sondage BVA pour Orange
et RTL. Quant à l’ensemble des syndicats, ils continuent de tirer à boulets
rouges sur une réforme d’ici à la fin du quinquennat. « Ce serait une
erreur de la part du président de la République, estimait Philippe
Martinez, secrétaire général de la CGT, début juin, sur RMC. Il y a
d’autres problématiques plus urgentes, les questions d’emploi, de salaire, la
question de la jeunesse. » Avant de conclure : « Reculer l’âge
de la retraite, cotiser plus de trimestres… le résultat est le même, ils
veulent nous faire travailler plus longtemps. Donc, il faut rester mobilisés. »
Même son de cloche du
côté des autres organisations syndicales. « Nous ne resterons pas
l’arme au pied, prévient Michel Beaugas, secrétaire confédéral de
FO. Si le gouvernement décide de persister, nous appellerons à la
manifestation sans hésiter. »
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