Les déchets de la « grande force de dissuasion » à la française sont
terriblement encombrants. Pas facile de se débarrasser des désastres du
colonialisme nucléaire. Chassée du Sahara après l’indépendance de l’Algérie, la
France a transformé la Polynésie en un terrain d’expérimentation militaire de
1966 à 1996. Dans ce décor paradisiaque, pas moins de 193 essais
nucléaires ont été menés au mépris des règles de sécurité et des risques
sanitaires. Depuis, les habitants réclament justice et réparation. En vain. À
ce jour, seule une petite poignée de victimes civiles ont été indemnisées.
En visite sur les lieux, Emmanuel Macron s’est défaussé de ses
responsabilités, en usant, comme peu savent le faire, de l’art du « en même
temps ». Il a enfin reconnu que la France avait une « dette » envers
ce confetti d’empire et ses populations. Mais le président n’a formulé ni
pardon ni excuses officielles pour les dommages subis. La déclassification des
documents permettant de faire toute la lumière sur les conséquences des
exercices nucléaires sera soumise à conditions. Comment pourrait-il en être
autrement quand sa majorité parlementaire promeut l’article 19 de la loi
relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement, qui
verrouille l’accès aux archives classées « secret-défense » ?
Quant aux
indemnisations, le chef de l’État s’est prêté à une grotesque pirouette : « C’est
un devoir de la nation que d’accompagner tous les Polynésiens (…) frappés par
les nouvelles formes de cancer (…). Une autre chose est de dire que tous les
gens qui ont de nouvelles formes de cancer (…) doivent être pris en charge au
titre des essais. » En Polynésie, la prévalence des cancers de la
thyroïde chez les femmes est la plus forte au monde. Mais il n’y aurait pas de
lien de cause à effet, selon Emmanuel Macron. L’hôte de l’Élysée reste ici
fidèle à la pratique du secret d’État inhérente à la Ve République. Et
pour cause : au même titre que la population de ces territoires martyrs, les
Algériens pourraient bien, à leur tour, présenter à la France l’addition
nucléaire. En Polynésie, on parle de crimes contre l’humanité. Paris ne peut
continuer à y opposer un silence coupable.
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