«Et on vote pour quoi, déjà?»
Nationalisation. «Ah bon, on vote
dimanche?» Combien de fois avez-vous entendu cette phrase, ces derniers jours? Ou
encore celle-ci: «Et on vote pour quoi, déjà?» Drôle de climat
médiatico-politique, n’est-ce pas, à l’heure où un scrutin important risque de
fixer le paysage national, à bien des égards, pour une période indéterminée.
Entre vol de nuit et feux déboucheurs d’horizon, nous ne savons plus trop où se
dispute et où se jouera cette imparfaite recomposition politique aux contours
potentiellement dramatiques. En l’espèce, le «quoique» est toujours un «parce
que». Pas de bonne catharsis sans montée préparatoire aux grandes peurs, sans
lesquelles, par habitude désormais, les combats en espérance s’atrophient
quelque peu. Mettons-nous d’accord sur un point : tout a été conçu pour que les
élections régionales et départementales soient profondément détournées de leur
finalité. Il s’agit moins d’élire des majorités dans nos collectivités que de
décanter l’espace avant le rendez-vous de la présidentielle de 2022.
Entendez-vous parler, sur toutes les chaînes, des transports, des aides aux
entreprises et des aides sociales, de la formation professionnelle, etc.? Pas
vraiment en réalité. Comme si de rien n’était, en mode obsessionnel, le
matraquage se poursuit sur le thème de l’insécurité, compétence régalienne.
Autre évidence: la «nationalisation» des deux tours, les 20 et 27 juin, se
transforme donc en épreuve de vérité pour le parti de Mac Macron. Nous sommes
loin de 2017, quand le futur prince-président misait sur l’épuisement du «vieux
monde» et le dépassement du clivage gauche-droite au profit d’un nouveau
regroupement dit «progressiste», dont nous avons vu à quel point le centre de
gravité basculait à droite.
Norme. Face à ce constat
primaire et devant le péril brun, la gauche est-elle vraiment en pleine
confusion, tout en s’y complaisant? Tout irait donc de mal en pis? Et personne
n’oserait balayer devant sa porte, tous prisonniers de «calculs électoraux»? En
somme, le big-bang de 2017 et ses répliques – inachevées – n’auraient servi à
rien ? Réfléchissons à l’interpellation de l’historien Alain Bergounioux, dans
la revue l’Ours, qui met sur le compte de l’affaiblissement des
partis politiques l’impasse programmatique actuelle d’une certaine gauche.
Comme il l’affirme: «L’époque est à la confrontation de personnalités…
sur les enjeux du moment, sélectionnés par les médias. Pire même, la
politisation se fait, souvent, de manière négative, la dénonciation des autres
candidats devenant la norme.» Regardons avec sérieux la compétition de
plus en plus étonnante entre Verts et socialistes, qui prétendent les uns et
les autres au leadership du camp soi-disant «réformiste», mais butant, comme le
souligne le Monde, «sur un rapport au progrès et sur une
conception de la République si flottants qu’à ce stade aucune vision
commune n’a pu émerger».
Malaise. Régénérer et
refonder la gauche, redresser et rebâtir le pays, restaurer l’espoir, repartir
de plus belle, etc. Voilà le re éternel de Sisyphe, que
le bloc-noteur s’imagine heureux. Nul besoin d’avoir un grand sens de l’État ni
un sens excessif de votre dignité pour ne pas voir le malaise ambiant. Là où
nous sommes rendus, ne sous-estimons pas la difficulté de braver l’opinion dans
une démocratie d’opinion aussi fastidieuse qu’un racolage de chaque jour, à
longueur d’antenne, partout, toujours… N’éludons pas les mécomptes. Et
rappelons-nous un précepte éloquent: la pire faute en politique consiste à
laisser en état ce qui doit disparaître alors même qu’on s’attache à détruire
ce dont la permanence est la raison d’être et la marque d’une civilisation
républicaine…
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