On savait que, aujourd’hui, tout est marchandise ou a vocation à le
devenir. L’acceptation ou la lutte contre ce monde est d’ailleurs l’un des
clivages qui devrait structurer beaucoup plus fortement le débat politique
actuel. La santé, que nous avons longtemps cru relevant naturellement du
domaine public, ne fait pas exception. Elle est même devenue un immense champ
de bataille, notamment au travers de nos données personnelles. C’est l’une des
raisons pour lesquelles on a tant de mal à faire machine arrière dans la
privatisation du système de santé, quand bien même la pandémie a mis ses
ravages en lumière.
C’est que les enjeux financiers sont colossaux et se comptent en milliards
d’euros. Ce n’est pas pour rien que les nouveaux acteurs s’appellent
Amazon, Apple, Microsoft ou encore Google. Le marché américain, par sa taille
autant que par sa mansuétude envers le non-respect de la vie privée, est un
terrain de jeu tout trouvé pour ces géants insatiables. Mais la France l’est
aussi pour d’autres raisons. On a appris, récemment, grâce à une remarquable
enquête, que la carte Vitale servait d’aspirateur de nos données à des fins
douteuses. Notre système de Sécurité sociale permet d’ordonner les données
comme nulle part ailleurs dans le monde.
Aux mains du privé,
cette mine conduirait à tout l’inverse de ce pour quoi nous avons bâti la
« Sécu », il y a soixante-quinze ans. Les assurances pourraient choisir
qui elles assurent et à quel prix, en fonction de l’état de santé du patient et
de ses habitudes sportives ou alimentaires… Ce serait une rupture d’égalité
inacceptable et la double peine pour nombre de citoyens, premières victimes de
maladies pour lesquelles ils seraient les derniers à pouvoir se soigner. Gérée
par le public, ce serait une chance extraordinaire afin de renforcer
l’efficacité du système de santé, prévenir et guérir des maladies pour tous.
Dans la santé, encore plus qu’ailleurs, face aux appétits privés, la démission
collective est interdite.
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