jeudi 3 juin 2021

« Catastrophe(s) », le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin

 


Quand CNews banalise l’extrême droite…

Fachos. Face au mauvais usage – prévisible – des catastrophes intellectuelles en cours, il nous est permis, parfois, de mettre la main dans le cambouis médiatique en tant qu’exemple de toutes les dérives par lesquelles nous ne reconnaissons plus vraiment la France. Êtes-vous dévoreur (attentif et vigilant) des chaînes d’information en continu? Tel un mécanicien attaché à démonter les moteurs idéologiques de la «transmission» (cette durée cumulative qu’on appelle la «culture du débat», et la «culture» tout court, d’ailleurs), le bloc-noteur revient à son idée-force obsédante: certains médias sont-ils devenus des déversoirs de fachos en continu? Poser la question, c’est déjà y répondre. Le péril resta longtemps diffus ; il est désormais aussi massif que brutal, et il menace l’équilibre démocratique de notre chère République. Nous avons donc vu fleurir ces dernières années, sur les plateaux de ces chaînes, des «chroniqueurs» capables de débattre sans fioriture du coronavirus, de l’insécurité, des black-blocs, des gilets jaunes, de la laïcité, de l’islam, de l’immigration, des valeurs chrétiennes de l’Europe, des repas dans les cantines scolaires, de la «guerre civile» à venir, et même de la présidentielle américaine, etc. Par méchanceté d’usage, mais sans aucun esprit de supériorité, nous les nommons les «toutologues», car nous sommes bien placés pour savoir qu’on ne s’improvise pas sur tout et n’importe quoi, même en bûchant dur comme fer. Il se trouve que, parmi ces «éditocrates» de fortune et autres «consultants» à petite vue, ce sont les conservateurs aux idéologies nauséabondes qui ont pris l’essentiel des places. Le mouvement débute sur BFMTV, puis sur LCI. Avant de gagner (le bon verbe) l’intégralité de la programmation de Cnews. Un peu comme si Minute et Valeurs actuelles réunis avaient investi massivement dans une seule et unique chaîne…

Nausée. Que dire des Éric Zemmour, Pascal Praud, Jean-Claude Dassier, Gilles-William Goldnadel, Gabrielle Cluzel (rédactrice en chef du blog facho « Boulevard Voltaire »), Élisabeth Lévy, Ivan Rioufol et consorts? Résumons la situation d’une simple phrase : Cnews banalise ­l’extrême droite, comme le fit naguère Fox News, aux États-Unis. Et que peut-on entendre, entre la poire et le fromage, dans ces «discussions» de comptoir qui font pâlir de jalousie les adeptes les plus acharnés du genre? L’hebdomadaire Politis s’était amusé à un recensement pris à la volée, voilà quelques semaines. À propos des mineurs étrangers isolés: «Ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont. Tous, tous, tous!» Puis: «Moi, quand je vais dans la rue, si je vois des jeunes filles avec des crop tops, ça me déconcentre.» Ou encore: «D’abord, y a cette supercherie de l’islamophobie, alors je vais vous dire un truc, l’islamophobie, c’est un droit.» Et nous passons sur les pires inepties et/ou autres crapuleries susceptibles de condamnations, comme en fut coupable le multirécidiviste Zemmour… Oui, la fachosphère s’exprime dorénavant en tranquillité et en toute impunité sur des ondes «officielles». La nausée.

Fox News. L’affaire a pris une tournure dramatique depuis septembre 2020, date à partir de laquelle nous avons franchi – passivement – des crans supplémentaires dans l’extrême droitisation. Et elle s’accélère dangereusement, quels que soient les sujets abordés, puisque tout est prétexte à déverser sa haine. Attention, danger! Le stade de la plaisanterie comme de la simple indignation est largement dépassé. Prenons la mesure: avec sa parole prétendument décomplexée, ses clashs et ses commentaires à l’emporte-pièce, CNews ne cesse de gagner du terrain. Depuis mi-mai, la chaîne de Vincent Bolloré dépasse l’audience de BFM, «propulsée» précisément par ses pires émissions. Encore une fois, la trajectoire nous rappelle celle de Fox News, quand Rupert Murdoch eut l’ambition de créer un «CNN de droite». Avec ce que l’on sait comme conséquence: mettre «en culture» le futur électorat de Donald Trump. Une machine infernale qui attise la catastrophe, mélange de misère journalistique et de propagande… 

 

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